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February 27, 2012

Petit Bollandistes - Des solennités d’une canonisation, et des dépenses qu’elles exigent [1876]


Les trois assemblées générales de la Congrégation des Rites, dont nous avons parlé, ne doivent point être regardées comme le dernier tribunal où se traitent les affaires de béatification ou de canonisation. Après que les doutes y sont résolus, il faut encore trois consistoires avant que le souverain Pontife prononce définitivement. Le premier est un consistoire secret; le second est public; le troisième est, en quelque sorte, mitoyen ; aussi l'appelle-t-on semi-public. C'est assez l'usage d'attendre longtemps à les tenir ; de là quelquefois il arrive que le Saint-Siége vient à vaquer pendant ces délais; mais les procédures n'en souffrent point; le nouveau Pontife reprend toujours la cause au point où son prédécesseur l'avait laissée.

Dans le consistoire secret, c'est le Pape qui traite de la béatification ou de la canonisation, à la tête du collége entier des cardinaux. Le secrétaire a soin de distribuer auparavant quelques feuilles imprimées qui contiennent un abrégé de la vie des personnes proposées, avec une courte énumération de leurs vertus et de leurs miracles. Le président de la Congrégation des Rites fait son rapport en peu de mots, et chacun des prélats donne son avis. Dans le consistoire public, outre le sacré Collége et tous les évêques, on convoque les consulteurs et les officiers de la Congrégation des Rites, les protonotaires, les auditeurs de la chambre apostolique, les avocats consistoriaux, le gouverneur de Rome, les ambassadeurs des princes catholiques, et les députés des villes du domaine pontifical. Dans cette assemblée nombreuse, un des avocats consistoriaux fait une harangue détaillée sur les mérites du serviteur de Dieu dont la sainteté doit être déclarée. Ce discours occupe toute la séance ; et quand on canonise plusieurs Saints à la fois, on tient pour chacun un consistoire public. Le troisième, qu'on appelle semi-public, n'est composé que des cardinaux et des évêques qui se trouvent alors à Rome. Le Saint-Père demande tour à tour le suffrage des prélats; ils prononcent chacun un petit discours qui contient quelques maximes générales sur les vertus ou miracles dont ils se servent pour appuyer leur avis.

C'est le Pape qui désigne l'église qu'il a choisie pour les cérémonies d'une béatification ou canonisation; c'est pour l'ordinaire dans la basilique du Vatican qu'elles sont célébrées. L'usage s'est établi très-sagement d'en faire plusieurs à la fois : on observe, en nommant ces nouveaux Saints dans les prières ou les décrets, les degrés de la hiérarchie ecclésiastique; et quand les dignités sont égales, on suit le droit de l'ancienneté.

Tout l'appareil de la fête commence par une procession solennelle où l'on déploie pour la première fois la bannière des nouveaux Saints qu'on va béatifier ou canoniser. Le Pape, assis sur son trône dans la basilique, reçoit les hommages ordinaires de sa cour. Le maître des cérémonies conduit ensuite aux pieds de Sa Sainteté le procureur de la cause et l'avocat consistorial, qui demandent la béatification ou la canonisation.

Alors le secrétaire des brefs ordonne à l'assemblée de joindre ses prières à celles du Saint-Père, et l'on chante les Litanies. La même demande se fait une seconde fois, et l'on chante l'hymne Veni Creator. Enfin, après la troisième instance de l'avocat, le même secrétaire déclare que c'est la volonté du Pape d'y procéder sur-le-champ. L'avocat en requiert des lettres apostoliques en bonne forme ; Sa Sainteté les accorde, et le plus ancien des protonotaires ayant pris à témoin toute l'assemblée, on entonne le Te Deum. Dans l'oraison qui suit, dans la confession que chante le diacre officiant, dans l'absolution que donne le Pape, les noms des nouveaux Saints sont récités avec les autres, et la messe solennelle est célébrée par le souverain Pontife en leur honneur.

Le décret de canonisation est conçu en ces termes : « A la gloire de la très-sainte Trinité, pour l'exaltation de la foi catholique et l'accroissement de la religion chrétienne ; en vertu de l'autorité de Jésus-Christ, des saints apôtres saint Pierre et saint Paul, et de la nôtre ; après une mûre délibération et de fréquentes invocations de la lumière céleste, du consentement de nos vénérables frères les cardinaux, patriarches, archevêques et évêques présents à Rome, nous déclarons que les bienheureux N. N. sont Saints, et nous les inscrivons, comme tels, dans le catalogue des Saints. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il ». Tandis qu'on chante le symbole à la messe pontificale, il se fait des offrandes particulières. Un cardinal évêque présente deux cierges ; il est accompagné d'un orateur qui porte un cierge d'une main, et de l'autre une corbeille dorée qui renferme deux tourterelles.... Un cardinal-prêtre offre deux grands pains, l'un argenté, l'autre doré ; l'orateur qui le suit porte un cierge et deux pigeons blancs, dans une corbeille argentée.... Un cardinal-diacre apporte deux vases pleins de vin, l'un doré, l'autre argenté ; l'orateur offre un cierge et une corbeille peinte pleine de petits oiseaux de toute espèce. On attache un sens mystique à ces offrandes, et l'on peut en voir diverses explications dans Ange de Roca, Jean-Baptiste Malais et autres.

Avec tant de formalités et de procédures juridiques, il serait impossible de parvenir sans frais à la canonisation d'un Saint : les dépenses sont grandes, il faut en convenir; mais c'est un frein nécessaire pour réprimer mille demandes indiscrètes dont l'Église romaine serait accablée. Loin de regarder ces contributions avec des yeux avides, on voit au contraire depuis longtemps la cour pontificale travailler efficacement à la réduction de ces droits, qu'elle ne peut retrancher entièrement à ses officiers.

Dans les informations, les juges n'ont jamais aucun salaire ; ceux des notaires greffiers sont taxés pour chaque feuille de grosse, et on a réglé jusqu'au nombre de mots et de syllabes qu'elles doivent contenir. Le promoteur, pensionné par le Pape, a de plus pour son honoraire un ducat d'or par chaque séance ; les procureurs, les avocats consistoriaux, et les imprimeurs, sont taxés de môme. Le sous-promoteur a pareillement sa rétribution fixe de trente ducats par chaque doute.

Les cardinaux et les consulteurs ne reçoivent plus de présents; on leur donne seulement un portrait du Saint, on leur fournit en argent la chape de camelot rouge qui leur est due, comme le rochet, le surplis ; et les livrées aux autres prélats, officiers et domestiques de la cour du Pape.
On donne à la sacristie du Vatican 500 ducats pour une béatification, 1,000 pour une canonisation, des présents aux avocats consistoriaux, aux secrétaires des brefs, et à d'autres. Mais pour éviter l'embarras inséparable de ces distributions, on en charge un homme de confiance, qui sait les droits et les usages.

Il faut payer les tapisseries, les échafauds et les peintures dont l'église est ornée le jour de la fête : les principales vertus et les miracles les plus éclatants y sont représentés. Les tableaux sont dévolus au chapitre du Vatican, de même que tous les restes d'une multitude infinie de bougies, qu'il faut prodiguer pour l'embellissement de la basilique ; on fournit encore tous les ornements qui servent à la messe pontificale : ils doivent être précieux, et le Saint-Père en fait présent à quelque église de Rome. Enfin, on orne splendidement la confession des saints Apôtres. La pompe d'un si beau jour exige qu'on répande l'or et l'argent à pleines mains : d'ailleurs, avant d'y parvenir, il faut plusieurs années de procédures qui précèdent le jugement définitif; les travaux de ceux qu'on emploie pour les dresser méritent une honnête récompense. On peut hardiment défier la malignité la plus envenimée de trouver aucun gain sordide, aucune trace de monopole, aucun trait d'avarice, dans toutes ces dépenses. La somme est grande, il est vrai; mais si l'on considère la multitude des formalités, la longueur des procès, et l'éclat qu'il faut donner à la solennité, on trouvera qu'elle n'est pas excessive.