La liturgie est la célébration publique du culte rendu à Dieu par la communauté locale sous la conduite et la présidence de son pasteur. Elle comportait dès le début deux types de célébrations régulières, les unes eucharistiques, les autres sans eucharistie et purement euchologiques. Mais aux deux célébrations prenait alors part toute la communauté locale le dimanche, les jours de fête et en quelques autres circonstances, alors qu’aujourd’hui on privilégie la messe aux dépens de l’office.
2L’eucharistie célébrée à Sainte-Marie-Majeure était toujours présidée par le pape, assisté par le clergé des titres voisins et de la Curie. L’office quotidien des heures y était assuré par les moines de ces monastères que nous avons vu se constituer autour de la basilique au cours du Haut Moyen Âge et le pape le présidait aux mêmes jours festifs qu’il y célébrait l’eucharistie.
3Or, ces deux types de célébrations prirent peu à peu des formes régionales différentes dans les détails, même si elles coïncidaient dans leurs lignes essentielles. C’est pourquoi les historiens du culte chrétien distinguèrent entre liturgie byzantine, milanaise, romaine, wisigothique, pour nous limiter à quelques rites plus connus qui ont survécu jusqu’à nos jours.
4La recherche contemporaine ne s’est pas contentée de ces constatations aujourd’hui généralement reçues. La liturgie romaine, considérée dans ses formes les plus anciennement accessibles, a été l’objet spécial de certaines recherches et s’est révélée, non pas comme un corps d’usages uniformes, définitifs et universels, comme on l’imagine parfois, mais comme un ensemble complexe de formes et de coutumes, diverses par leur origine, leur usage et leur diffusion et soumises à une certaine évolution. Il n’y avait pas, dans l’Antiquité et le Moyen Âge, une liturgie unique, qui se serait célébrée uniformément dans toutes les églises de la Cité. C’est le résultat le plus neuf et le plus remarquable des recherches du dernier demi-siècle. Nous aurons l’occasion de le voir à propos de Sainte-Marie-Majeure. En effet, si la vie liturgique de la basilique libérienne rentre dans le cadre général de la liturgie romaine du Haut Moyen Âge, il est tout aussi vrai qu’elle se distingue de celle des églises titulaires de la Ville quand elle est présidée par le pape, mais se distingue encore plus de la liturgie titulaire en dehors du pape, telle que la célébraient les prêtres affectés au service des titres. À l’étude de cette liturgie titulaire s’est consacré le professeur de Strasbourg Antoine Chavasse, dont l’étude du soi-disant Sacramentaire gélasien l’a conduit à distinguer à Rome deux formes fondamentales de la liturgie eucharistique, selon qu’elle était présidée par le pape ou se déroulait en son absence1.
5Le pape présidait la liturgie stationnale à tour de rôle dans chaque église de la Ville. Dans les églises patriarcales et martyriales, en des occasions déterminées, il rassemblait autour de lui une partie notable de la communauté des fidèles. Dans les titres, au contraire, se réunissaient le dimanche les fidèles les plus proches sous la présidence des prêtres qui les desservaient. Leur liturgie avait davantage conservé la simplicité primitive, alors que la liturgie papale s’était chargée avec le temps de rites provenant du cérémonial de cour et destinés à rendre visibile la place particulière de ce célébrant dans la vie de l’Église. C’est pourquoi, elle était aussi transcrite en autres livres que ceux habituellement en usage dans les titres. C’est précisément en raison des deux variétés de rites et parfois de textes conservés par les manuscrits et variant selon la personne du célébrant principal qu’a été élaborée la doctrine de la double liturgie romaine, papale et titulaire.
6Sur la base de sa situation topographique et de sa luxueuse décoration iconographique, nous avons formulé dans le chapitre précédent l’hypothèse que Sainte-Marie-Majeure avait été appelée à accueillir avec la basilique du Latran le pape en tant qu’évêque de Rome dans l’exercice de certaines de ses fonctions. Dans les chapitres présent et suivant se vérifiera ponctuellement notre hypothèse. Aussi voulons-nous mettre le fait en évidence et en proposer une explication. L’abondance de la matière à traiter nous a conduit à la répartir entre deux chapitres, dont le premier est consacré à l’aspect extérieur, cérémoniel, de la liturgie propre à Sainte-Marie-Majeure, qui s’y célébrait à l’occasion des stations fixées dans la basilique ou qui, d’un lieu de rassemblement distinct, conduisait la communauté à la basilique pour la célébration eucharistique2. Le chapitre prochain sera réservé à quelques formulaires propres à Sainte-Marie-Majeure.
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Présentation: La situation de Sainte-Marie Majeure sur l’Esquilin et celle de l’Esquilin dans Rome sont à considérer avec attention, si l’on veut comprendre la place de la basilique dans la topographie profane et religieuse de la Ville, son rapport avec la basilique libérienne qui l’a précédée, sa signification comme édifice cultuel de cette importance, le premier qui ait été voulu et réalisé par l’évêque local, alors que les précédents étaient dûs à la munificence impériale ou à l’évergésie aristocratique. Lorsque les papes patronaient auparavant la construction d’églises, il s’agissait de sanctuaires de quartier ou de martyrs. Sainte-Marie-Majeure, pour sa part, n’était ni une église titulaire, ni une basilique martyriale. Qu’était-elle donc ? Avec quelle intention les papes l’ont-ils édifiée ? Une première réponse à ces questions se tire de la situation topographique de l’église et des rapports qu’elle entretient avec son environnement local et urbain. Ces rapports sont à examiner en fonction ...
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