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Monsieur le Recteur,
Messieurs les abbés,
Chers amis,
Nous voici au
dimanche de Laetare, le dimanche en
rose… la liturgie encore une fois nous parle par ses symboles.
L’autel est orné de
fleurs, la couleur violette des ornements est amoindrie par la fait d’utiliser
le rose… on peut toucher l’orgue, les ministres sacrés reprennent les ornements
de joie. Tout exprime une certaine félicité, un certain calme. Ces derniers
temps, nous avons souvent entendu parler de pénitence ; par les exercices de
carême nous avons réprimé notre corps,
nous avons fortifiée notre âme contre les attaques du démon pour faire
davantage de place à Notre Seigneur Jésus Christ. L’Eglise aujourd’hui nous dit
« mes enfants, réjouissez vous ; faites une pause, à fin de ne pas tomber dans
l’erreur de ceux que en parlant trop d’une chose - dans notre cas la pénitence
- se lassent trop vite d’elle en la réduisant à un simple
sujet de sermon vide et ennuyant. ».
Ce dimanche est une
pause, que nous espérons, bien méritée :
comme tout athlète dans son exercice physique et comme tout alpiniste dans sa
montée, nous avons besoin, si nous avons fait bien notre boulot, de nous
arrêter pour essouffler un peu, reprendre des forces, méditer sur notre but,
sur notre fin pour éviter que notre carême devienne inutile.
Comme un matelot que
de son navire entrevoyant la cote après des jours et des jours de dure
navigation se réjouit même s’il sait qu’il lui manque encore un peu pour
pouvoir arriver au port désiré. De la
même manière, nous nous réjouissons avec l’Eglise de tous les mystères et les
grâces que l’Incarnation, la Passion, la Mort et la Résurrection de Jésus nous
ont apportés.
Il s’agit d’un
dimanche d’encouragement : et cela se fait en déliant les fideles de la trop
austère pénitence rituelle que la
liturgie leur a présenté jusqu’à maintenant.
Si par contre les
occupations du monde, notre paresse et notre tiédeur nous ont empêché de vivre
bien la première partie du carême, alors ce dimanche est la pour nous
encourager différemment : il est la pour nous donner une nouvelle force, une
nouvelle poussée pour se reprendre en
main, et vivre mieux au moins la dernière partie de ce temps favorable pour
notre salut.
Mais voyons pour
quelle raison et comment ce dimanche est devenu par volonté de Dieu à travers
la tradition, un dimanche de joie…notre pause de mi-carême.
Il y a bien de quoi
se réjouir, chers amis, en ce jour ainsi riche de symboles et de thèmes
chrétiens :
C’est bien le jour
de la joie ; joie maternelle, joie du
printemps, fête eucharistique, j’oserai même dire une vrai joie pascale par
anticipation!
JOIE MATERNELLE :
Dans les temps antiques, le jeûne pascal ne commençait à Rome que le lendemain
de laetare: ce dimanche était donc une sorte de dimanche de Carnaval. Plus
tard, quand le Carême dura 40 jours, en hommage
au jeune de notre Seigneur dans le désert l’Eglise garda le dimanche de
mi-carême et on en fit un jour de détente dans la sévérité du Carême pour
signifier aussi la joie maternelle de l’Eglise dans le contexte de préparation
au baptême autrefois conféré à nombreux catéchumènes le samedi de Pâques.
JOIE DU PRINTEMPS :
Nous ne pouvons plus réprimer la joie de l’attente. L’Eglise, société bien ordonnée de nature divine et
humaine sait que l’homme vit avec le
temps, selon le cycle de saisons. Elle n’a pas le culte de l’homme mais elle
l’amène a son but par les moyens surnaturelles et aussi naturelles : ce jour
est aussi une sorte de fête du printemps ; il nous suffit faire un tour dans la
nature pour voir les premières fleurs, les oiseaux et tout genre d’animaux qui
se réveillent après le long hiver. L’Église se réjouit de la résurrection de la
nature, dans laquelle elle voit encore une image de la résurrection du Christ
et de l’âme qui se relève du péché. C’est pourquoi, à Rome, aux premiers
siècles on apportait aujourd’hui les premières roses à l’Église ; les chrétiens
s’offraient mutuellement des roses qui on commença à bénir. C’est ce qui
explique aussi l’antique usage de la bénédiction de la rose d’or par le Pape
sur laquelle il faut nécessairement dire un mot : un rite très ancien déjà
pratiqué constamment à l’époque de St. Léon IX et d’Innocent III. Le descriptif
de cette cérémonie magnifique peut être trouvé dans les journaux des
cérémoniaires papales de tous les siècles, et était encore pratiquée mais
simplifiée par les papes du siècle dernier.
Dans le rite plus
ancien, le souverain pontife, autrefois résidant dans le palais du Latran,
après avoir bénit une rose entièrement d’or , après l’avoir ointe avec le St.
Chrême et avoir répandu sur elle une poudre parfumée, partait en cavalcade la mitre en tête, la
rose en main, suivi du sacré collège qui revêtait pour l’occasion un habit
spécial à ce jour : un habit choral entièrement en soie moirées rose. Arrivé à la basilique de St. Croix en
Jérusalem (église stationale d’aujourd’hui) il y prononçait un discours qui
résumait tous les symboles de ce jour…et surtout le sens mystique de la rose
laquelle représente par sa beauté, sa couleur et son parfum la sainteté et la
grâce apporté par Notre Seigneur J.C. La
rose est le symbole du Ressuscité, mais aussi symbole de la joie chrétienne.
La basilique de St.
Croix qui possède les reliques les plus précieuses de la Passion de Jésus, d’où
son nom St. Croix en Jérusalem, (on y trouve en effet la Croix, les Clous,
l’Inscription de la Croix, la terre du calvaire, le doigt de St. Thomas et même
la croix du bon larron), cette station donc ouvre notre pensée à la semaine
sainte qui s’approche et à tous les mystères de notre Rédemption. Le Romain
Pontife y célébrait alors la CAPPELLA PAPALE (la messe pontificale du pape) ;
la rose au cours de la messe était placée sur l’autel dans un rosier en or et
pierreries ou dans un vase précieux recouvert de pierres et finement ciselé. La
messe achevée, il chevauchait encore une fois vers le Latran avec la rose en
main. Arrivé au palais, le prince du rang le plus élevé présent au cortège
descendait de son cheval pour tenir l’étrier et aider le Prince des Apôtres à
descendre. Le Pontife alors offrait à ce prince ce sacramental : la rose
bénit. Ah combien de fois le Roi de
France et de Navarre eu cet admirable privilège… combien de fois il a servi la
Sainte Eglise et reçu la rose d’or…
Mais revenons à la
joie d’aujourd’hui…
Enfin, JOIE
EUCHARISTIQUE : ce jour est aussi un dimanche eucharistique : le Christ est sur
le point de fonder sa famille ; c’est au prix de son sang qu’il nous gagne
notre pain quotidien : la sainte communion, ce pain doit être un fruit de sa
Passion ; c’est ce que nous indique l’Évangile d’aujourd’hui. Le Christ est le
nouveau Moïse qui, dans le désert de la vie, nous présente la manne céleste.
Et même si l’Église
nous aide au moyen de la communion fréquente, cet évangile est la pour nous
solliciter à une préparation plus attentive à la Sainte Communion Pascal,
préparée, nous l’espérons, par une bonne confession.
Pour cela nous
pouvons dire que le dimanche de laetare met dans nos cœurs une véritable
JOIE PASCALE : Le
miracle de la multiplication des pains décrit par St. Jean Apôtre et
Evangéliste nous est proposé comme l’emblème de l’inépuisable aliment
eucharistique que le Christ même nous a offert dans ses derniers trois saints
jours… « J’ai désiré d’un extrême désir manger cette Pâque avec vous… » nous
dira Jésus le jeudi saint.
Réjouissons-nous
donc et exultons avec la sainte liturgie, chers amis, car une fois morts au
pêché avec le Christ pendant le dur
temps du Carême, nous serons ressuscités avec Lui dans la Sainte Communion
Pascale.
Pour cela il faut
bien profiter de la joie d’aujourd’hui… cette année notre joie est redoublée
par la fête de St. Joseph que nous célébrons lundi et auquel nous nous confions
pour bien arriver à Pâques.
Ainsi soit-il. +
Don
Giorgio Lenzi IBP
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Référence :
- Dom Prosper Guéranger, Institution liturgiques
- Pius Parsch, L’année
liturgique
- Moroni, Histoire
des Chapelles papales