Le sacre de Napoléon avait été aussi un grand acte liturgique: mais, en cette qualité même, il exprimait d’une manière bien significative toute la distance qui séparait le nouveau Charlemagne de l’ancien. On pouvait, certes, comprendre que la Liturgie est l’expression de la religion dans un pays, quand on vit le Pontifce Romain, accouru par le plus généreux dévouement pour prêter son ministère à un si grand acte, attendre, en habits pontificaux, sur son trône, à Notre-Dame, pendant une heure entière, l’arrivée du nouvel empereur; quand on vit Napoléon prendre lui-même la couronne, au lieu de la recevoir du pontife, et couronner ensuite de ses mains profanes le front d’une princesse sur lequel, il est vrai, le diadème ne put tenir; quand on vit enfin « l’évêque du dehors », sacré de l’huile sainte, s’abstenir de participer aux mystères sacrés, terribile présage de l’arrêt qui devait, cinq ans plus tard, le retrancher de la communion catholique. Ce ne fut qu’en faisant violence aux règles les plus précises de la Liturgie.
Rien ne pourrait rendre l’enthousiasme des fidèles de Paris et des provinces, durant les quatre mois que Pie VII passa dans la capitale de l’Empire. Il n’y avait cependant rien d’officiel ni de cérémonieux dans cette affluence qui inondait les églises où le Saint-Père venait célébrer la messe. Les fidèles se pressaient par milliers autour de la table sainte, dans l’espoir de recevoir l’hostie du salut des mains mêmes du vicaire de Jésus-Christ, et c’était un spectacle ineffable que celui qu’offrait cette multitude, chantant d’une atmosphère de foi le pieux pontife qui, dans un recueillement profond, célébrait le sacrifice éternel, et rendait grâce de trouver encore tant de religion au coeur des Français...
Il y aurait un beau livre à faire sur le séjour de Pie VII en France, à cette époque; mais rien peut-être ne serait plus touchant à raconter que les visites que le pontife faisait à ces églises qui portaient encore les traces de la dévastation qu’elles avaient soufferte, et dans lesquelles il célébrait la messe avec le recueillement angélique si admirablement empreint sur sa noble et touchante figure. Les Parisiens, dont il était l’idole, disaient sur lui ce beau mot: « qu’il priait en pape »…
Dom Prosper Guéranger, Institutions liturgiques. Extraits, [établis par Jean Vaquié], Vouillé 1977, p. 214-215.