Avec
Mgr Respighi, décédé le 6 juin 1947, disparaît une des figures
les plus caractéristiques du monde ecclésiastique romain. Ceux qui
l’ont connu de près sont unanimes à louer sa bonté d’âme, sa
compétence comme préfet des cérémonies pontificales, son amour
éclairé pour la Rome chrétienne. Mais on n’a pas mis dans un
relief suffisant la part qu’il a prise au mouvement liturgique
naissant ou, pour employer l’expression actuelle qui est plus
exacte, à l’action liturgique pastorale. Car c’est un fait, Mgr
Respighi a eu, durant un demi-siècle, la haute main sur tout ce qui
a été fait en ce domaine dans la Ville Éternelle et même hors les
murs. Il est un des plus illustres représentants de cette seconde
phase du mouvement liturgique que Dom Rousseau appelle
« musico-liturgique », et qui se rattache directement à
l’action du pape Pie X par la restauration du chant sacré et de la
musique d’Église. (Avec quelques convaincus, il fonda en 1902 la
Rassegna
gregoriana,
revue qu’il dirigea durant quatorze ans avec joie et passion, la
brandissant comme un drapeau, le premier drapeau d’une renaissance
liturgique en Italie. Articles, traits, notes d’allure tantôt
irénique et tantôt polémique donnèrent de la vie et de l’aisance
au périodique, soulevant l’intérêt et les sympathies).
Mgr
Respighi fit, en outre, un travail sur Pierluigi de Palestrina,
demeuré encore aujourd’hui classique chez les spécialistes.
Durant cette même période il créa, avec la collaboration de
plusieurs autres, notamment le P. De Santi, l’association italienne
Sainte-Cécile dont il est demeuré jusqu’à sa mort l’infatigable
président.
Il
eut pour les catacombes, et en général tous les monuments chrétiens
de l’antiquité, une vraie passion, mélange d’érudition et de
respect, que lui avaient communiquée les leçons et l’amitié des
grands maîtres De Rossi, Stevenson, Armellini, Marucchi. Dans ce
domaine, il eut l’occasion de travailler d’une façon très
directe pendant de nombreuses années, soit comme secrétaire de la
Commission pontificale d’archéologie sacrée, organisme chargé de
conserver et rechercher les antiquités chrétiennes, soit comme
Magister
du Collegium
cultorum martyrum,
association qui a pour but de promouvoir le culte des martyrs dans
les lieux mêmes qui avaient été consacrés par la sépulture des
premiers héros de la foi. Durant ce temps que Mgr Respighi fut à la
tête de la Commission, des travaux de grande importance furent
accomplis, comme la découverte des cimetières de Pamphile et des
Giordani, les fouilles de la basilique du Latran, celles de
Saint-Pierre.
L’activité
de la plume de Mgr Respighi au service de la pastorale liturgique,
interrompue en 1914 par la mort de la Rassegna
gregoriana,
se reporta ces dernières années sur le Bollettino
Ceciliano.
C’était un retour à l’idéal des premiers jours ; mais
avec l’âge, le pouvoir d’agir s’était émoussé : Mgr
Respighi vivait désormais de souvenirs, avec cette douce tristesse
qui les accompagne. Voyez, par exemple, quelle nostalgie s’exhale
de la dernière page qu’il a écrite, en mars 1944, dans le
Bollettino,
pour commenter les journées liturgiques de Vanves :
« Le
mouvement liturgique en France, justement loué, pourra sembler à
certains être une révélation. Ce n’en est pas une pourtant, ni à
nos yeux une nouveauté. Car il compte en France de nombreux
apôtres ; son histoire, déjà ancienne, est opportunément
rappelée. Il nous est doux d’apporter, nous aussi, le souvenir
d’un ami bien cher, humble et retiré, perdu dans la foule, mais
très instruit, remarquable grégorianiste, l’abbé Henri
Villetard, qui, dans les paroisses où il accomplit son ministère
sacerdotal, réalisa pratiquement ce qu’il promouvait sur le plan
scientifique. Un soir délicieux, il y a de longues années, je lui
fis une visite inopinée, et je trouvai ses paroissiens réunis,
comme ils le faisaient chaque soir, pour terminer à l’église leur
journée de travail par la prière, le chant des Complies. Mon cher
ami tint à ce que je le présidasse ; ce fut pour moi une
grande consolation, dont je conserve le plus doux souvenir, de m’unir
au chant de la prière liturgique qui s’élevait parfaite do cœur
et de l’intime dévotion des bons et des fidèles paroissiens… Le
C. P. L. peut s’inspirer de nobles et efficaces précédents. »
Ces
lignes révèlent un homme qui a vécu son poque pleinement. A
l’entendre l’évoquer, après un demi-siècle, avec une si
profonde conviction, on ne peut même pas douter que ses paroles
cachent une nuance de naïveté.
A.
Bugnini
N.
B.
– M. Martimort, présent à Rome au moment de la mort de Mgr
Respighi, a tenu à représenter le C. P. K. à ses obsèques, qui
ont été célébrées à l’église Saint-Ignace le dimanche 8
juin.
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La
Maison-Dieu,
12, pp. 135-136.