Introduction
Il est important, lorsqu'on aborde les études liturgiques, d'en concevoir leur dimension rituelle. La sainte liturgie, culte public intégral du Corps mystique du Christ, ne peut être envisagée, outre son caractère religieux et sa valeur sociale, en dehors de son incarnation dans le temps et du vaste complexe de signes, de gestes, de symboles, etc., qu'elle constitue. La liturgie, telle que le croyant la perçoit et la définirait, c'est cet ensemble de signes, ce sont en un mot les rites, rites significatifs - d'une manière plus ou moins efficace selon leur nature - des réalités sanctifiantes[1]. A partir de là, le liturgiste aura intérêt à approfondir la notion théologique, et ce faisant spirituelle, du signe : quelle est la réalité signifiée ? Pourquoi l'est-elle par telle ou telle réalité matérielle ? Quelle en est la valeur ? Les hommes procurent-ils une validité aux signes, ou ceux-ci ne l'acquièrent-ils qu'en raison de la divine Incarnation que consomme l'Eglise dans le temps par la célébration du mystère[2] ? Mais la science liturgique, les fondements d'une saine théologie étant posés, ce sera aussi la connaissance des rites, non seulement dans le but de les accomplir avec exactitude - ce qui constituerait la science ritualiste - mais encore et surtout la saisie de leur intelligibilité et de leur économie, grâce à l'étude des sources et du trésor des livres liturgiques. Une telle étude requiert un sens aigu de l'évolution homogène, pleinement traditionnelle, des formes liturgiques. Si cette évolution est connexe aux développements dogmatiques, elle est aussi liée à la formation de la civilisation chrétienne au coeur de laquelle l'Eglise s'affirme en tant que société parfaite. Ses fonctions rituelles revêtent donc un caractère social, ou politique, qui fait de la célébration eucharistique du pontife romain et de l'évêque un rite princier. Cet aspect social ou politique, qui constitue une clef fondamentale de compréhension des livres liturgiques, est particulièrement tangible à la lecture des livres cérémoniaux, de l'Ordo romanus I du VIIIe siècle au Cærimoniale episcoporum post-tridentin et au pontifical romain dont Mgr Andrieu a pu dire qu'il manifestait "le plan et les assises de la construction idéale[3]" que fut "l'édifice de la société médiévale". Or, de cette chrétienté, de "ce temps où, selon les paroles de Léon XIII, la philosophie de l'Evangile gouvernait les Etats[4]", et de la civilisation qui en est issue, nous sommes, que nous le voulions ou non, quelles que soient les convulsions de l'histoire, les héritiers chargés d'en recevoir les leçons et de n'en point perdre l'esprit.
La parfaite logique et harmonie des livres post-tridentins, la magnificence mesurée de leurs rites lorsqu'on veut bien se donner la peine de les pratiquer tels qu'ils doivent l'être, l'atmosphère qui émane en quelque sorte de ces livres, le sens de l'ordre et la sobre élégance que ceux-ci établissent d'eux-mêmes, tout cela est de nature à nourrir et l'âme et le coeur, et à éveiller nombre de vocations face à la représentation de l'Eglise qu'offre la sainte liturgie, et spécialement la liturgie romaine, la plus pure. Ces nombreux rites, même si nous ne les comprenons pas tous, même si certaines de leurs raisons échappent aux études des liturgistes les plus érudits, véhiculent un parfum d'antiquité, nous rattachent à d'autres âges, nous donnent le sentiment d'appartenir dans le temps et l'espace à une Tradition qui n'est pas figée mais vivante.
A mesure qu'il me fallut étudier ces rites, je décidai de rechercher d'où ils venaient, pourquoi ils me semblaient porteurs d'une telle dimension ecclésiologique. Pour ce faire, il était nécessaire d'étudier les rites pontificaux. En effet, nombre de rites de la messe basse et de la messe solennelle ne peuvent être compris qu'à partir de la messe pontificale ou, mieux encore, à partir de la messe que célébrait le pape[5]. Cette généalogie des rites eucharistiques a été mise en évidence par de nombreux liturgistes[6]. Nous nous proposons, dans le présent exposé, d'appliquer une méthode de lecture du cérémonial papal qui nous conduit à en rechercher les transcriptions dans le Cærimoniale episcoporum de Clément VIII et le missel romain de saint Pie V. Il nous sera nécessaire de présenter en un premier temps la physionomie du cérémonial apostolique, d'en indiquer les sources et la postérité, d'en signaler l'influence sur la rédaction des rubriques des livres liturgiques tridentins. C'est cette dernière influence que nous préciserons en second lieu par l'analyse de certains rites eucharistiques de l'Ordo missae papal, et d'une manière particulière de l'ensemble de ceux qui y sont liés à la communion. A partir de l'examen de ces rites eucharistiques placés dans leur contexte cérémoniel, nous tenterons de dégager en conclusion ce qui est au principe de l'interdépendance des divers livres tridentins, et ce qui néanmoins les différencie.
I - Du cérémonial papal de 1488 au missel romain de saint Pie V.
1) L'oeuvre de Agostino Patrizi Piccolomini
Le cérémonial papal pratiqué jusqu'à une époque récente, à savoir jusqu'à la période postérieure au Concile Vatican II[7], était celui de la première Renaissance tel que l'avait rédigé sur les ordres d'Innocent VIII (1484-1492) le maître des cérémonies Agostino Patrizi Piccolomini, évêque de Pienza et Montalcino. Après avoir livré en 1485 son Pontificalis Ordinis liber[8], il allait désormais considérer tout ce qui touche au pape et aux cardinaux : conclave, consistoires, concile, sacres et couronnements impériaux, canonisations, visites princières, célébration eucharistique, office divin, année liturgique, sacramentaux, rites funèbres, etc.
La première diffusion du cérémonial avait été manuscrite. En 1516, un prélat de la curie, Cristoforo Marcello, le fit imprimer à Venise avec le titre : Rituum ecclesiaticorum sive sacrarum caerimoniarum S.E.R. libri tres. L'édition Marcello avait procédé à des remaniements, variantes, adjonctions, suppressions et avait provoqué l'ire de Paris de Grassi, alors maître des cérémonies[9]. Entre autres, la lettre-préface d'Agostino Patrizi à Innocent VIII, en date du Ier mars 1488, avait été omise. Nous devons aux récents travaux du père Marc Dykmans S.I. de nous l'avoir restituée avec la publication de l'édition critique de l'oeuvre de l'évêque de Pienza[10]. Dans cette lettre, l'auteur y expose les difficultés de la situation du moment liées aux vicissitudes de l'histoire de la papauté et de la confusion rituelle qu'elles ont permise, d'où la prolifération des coutumes, les oppositions entre les prélats, voire les disputes entre les cérémoniaires auxquelles il faut désormais remédier par des règles fixes. Ces règles, d'où les recevra-t-on ? "Votre Sainteté, écrivait Patrizi, ne voulant pas moins d'ordre et de beauté dans les choses divines que dans celles d'ici-bas, mais partout une tranquillité sans tumulte, un calme empreint de gravité et dignité, m'a commandé qu'au moyen des anciens livres qu'elle-même a tirés en nombre des archives de l'Eglise romaine, comme de la pratique quotidienne de la chapelle papale, où je me suis appliqué pendant plus de vingt ans à un travail assidu, je remette en ordre, omettant tout ce qui est superflu ou vieilli, les cérémonies actuelles des pontifes romains.[11]"
Cette méthode de travail devait être celle des liturgistes de la période tridentine. Elle est caractérisée par un sens de la pureté et de l'antiquité des saints rites, conjugué avec une évolution homogène, c'est-à-dire sans rupture, du déploiement liturgique. Cependant çà et là, ainsi que l'a remarqué Dykmans, "Patrizi est indulgent à tous les défauts d'une cour princière dont le pontificat de son temps est encore affligé. Il veut retrouver dans la tradition liturgique ce qui peut sauver l'Eglise de la Renaissance.[12]"
Sources[13]
Des huit anciens livres que le pape Innnocent VIII fit remettre à l'évêque cérémoniaire, nous n'avons pas de liste précise ; c'est l'étude du texte de Patrizi qui peut permettre de discerner les influences.
S'il fallait établir une généalogie de l'ouvrage, et spécialement en ce qui concerne les rites de la célébration eucharistique, la connaissance des Ordines romani - premières descriptions de la solennelle célébration eucharistique à Rome - des VIIIe et IXe siècles étant supposée, il faudrait considérer les livres romains des XIIe au XIVe siècle qui les continuent[14]. L'Ordo romanae Ecclesiae[15] ou Liber politicus du chanoine Benoît[16] (1140-1143), l'Ordo romanus[17] du cardinal Albino (1189), et l'Ordo romanus[18] de Cencio Savelli, le futur Honorius III, ont été tous trois édités par Monseigneur Duschesne. L'Ordo papal tel que l'avait réformé Innocent III, tel qu'il était pratiqué à la chapelle papale avant le départ pour Avignon, étudié par Monseigneur Andrieu[19], a été édité par les soins du père van Dijk[20]. Le pontifical de Durand de Mende, édité par Monseigneur Andrieu, une des sources citée par Patrizi, ne livre que de brefs chapitres sur la liturgie de la messe pontificale[21]. Mabillon voulut réunir les livres cérémoniaux romains depuis l'Ordo de Grégoire X composé vers 1273 (l'Ordo XIII de sa collection), jusqu'au cérémonial de Patrizi de 1488, qu'il ne publia pas ; c'est à ce travail que s'est consacré récemment le père Marc Dykmans[22].
Après avoir étudié l'ensemble des cérémoniaux de la chapelle papale de la fin du Moyen Age, Dykmans a été à même de voir quelle avait été leur influence et quelle avait été la contribution réelle de Patrizi dans la rédaction de son cérémonial. L'oeuvre de Patrizi est une oeuvre de synthèse ; elle a le grand mérite d'ordonner les matières, de classer et diviser ; le style en demeure succinct. "Ses sources sont étroitement traditionnelles. Les prières sont des textes fixés. Ils remontent souvent jusqu'avant l'an mille. Ils sont repris sans nul changement. Les rubriques remontent aussi aux siècles précédents. Elles se sont fixées surtout du XIIe au XIVe siècle... Notons que Patrizi a cité l'ordre de Grégoire X, le cérémonial épiscopal du cardinal Latino Malabranca Caetani, le pontifical de Durand le Spéculateur et ses autres ouvrages, le cérémonial de Stefaneschi, ceux de Jean de Sion et des Avignonnais jusqu'à François de Conzié, ceux de Benoît XIII en Espagne et de Pierre Ameil à Rome. Il emprunte aussi à ses propres ouvrages et à ceux du pape Pie II. Ses sources vont donc jusqu'au XVe siècle et, si on ne peut plus les retrouver chaque fois, il n'est pas douteux que tout soit conforme à des usages autorisés.[23]" Son livre est à la charnière du Moyen Age et des Temps modernes.
Postérité
De la période qui s'étend de 1488 à celle postérieure au concile Vatican II, en matière de liturgie papale il y a relativement peu à dire. Le diaire ou "Livre des notes" de Jean Burckard[24], en un premier temps collaborateur efficace de Patrizi, permet de suivre l'évolution de la liturgie papale sous Innocent VIII et Alexandre VI ; celui du minutieux chanoine de Bologne Paris de Grassi[25], sous Jules II et Léon X. L'édition de Cristoforo Marcello prévalut, de 1516 jusqu'aux réformes de Paul VI, seulement compliquée et quelque peu défigurée à l'époque baroque[26]. Cette époque, à Rome, doit en effet être bien distinguée de la stricte période tridentine : période d'apogée que Mgr Jedin fait à peu près cesser avec l'avènement d' Urbain VIII (1623). C'est d'ailleurs à Urbain VIII que l'on doit l'édition d'un Ordo missae pontificalis in die natalis Domini à l'usage du pape[27].
Le secret dont Paris de Grassi voulait qu'on entourât les cérémonies du pontife romain semble avoir été bien gardé. Les études sur la liturgie papale, liturgie normative s'il en est, furent peu nombreuses.
Après les précieux recueils de documents et d'usages liturgiques opérés par Dom Mabillon[28] et Dom Martène[29], le XVIIIe siècle, grâce à l'impulsion donnée aux études liturgiques par Benoît XIV, produisit les premières, et les seules pourrions-nous dire, grandes explications des rites de la chapelle papale[30] : Dominique Giorgi, prélat domestique de Benoît XIV, exposa la liturgie papale et transcrivit plusieurs documents jusqu'alors inédits[31] ; Jean Baptiste Gattico, abbé régulier du Latran, entreprit la publication d'Acta caerimonialia selecta sanctae romanae Ecclesiae[32] qui, outre la transcription de cérémoniaux, aurait livré les diaria si le labeur de Gattico n'avait été interrompu sur l'ordre de Benoît XIV ; Joseph Catalani, liturgiste fécond et laborieux, établit un commentaire[33] du cérémonial de Patrizi, selon l'édition Marcello, qui demeura jusqu'à nos jours l'ouvrage de référence des cérémoniaires pontificaux[34].
D'autres commentaires virent le jour, descriptions plus ou moins approfondies parmi lesquelles il faut citer celles de Gaétan Moroni dans son monumental Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica[35]. Leur succédèrent, sur la fin du XIXe siècle, des expositions cérémonielles à l'usage des cérémoniaires[36], voire du grand public[37]. Il fallut attendre notre siècle pour que grâce à Monseigneur Michel Andrieu et, tout récemment, au père Marc Dykmans fût publié, selon toutes les règles de la critique scientifique, l'ensemble des livres cérémoniaux à l'usage du pontife romain[38] de la fin du VIIe siècle jusqu'à la première Renaissance, époque où le cérémonial s'était alors comme fixé, nonobstant des additions postérieures, pour un temps qu'on s'était imaginé indéterminé.
2) Vers les livres liturgiques tridentins
A la suite de cette trop succincte présentation des sources et études de la liturgie papale, il convient de remarquer que nous retrouvons le nom de ceux qui la codifièrent parmi ceux qui furent à l'origine du missel romain de saint Pie V (1570), du pontifical romain (1595) et du cérémonial des évêques (1600), tous deux publiés par Clément VIII, livres qui, avec le bréviaire romain de saint Pie V (1568) et le rituel romain de Paul V (1614), entendaient répondre aux directives formulées à Trente le 5 décembre 1563 par les Pères du concile, en sa vingt-cinquième et dernière session[39]. On ne soulignera jamais assez combien les principes de révision et d'ordonnance des livres liturgiques formulés par le concile de Trente, et tels qu'ils apparaissent par exemple dans la bulle Quo primum Tempore de saint Pie V, sont en substance contenus dans les deux lettres d'Agostino Patrizi Piccolomini à Innocent VIII introduisant, l'une le pontifical de 1485, l'autre le cérémonial de 1488. Or le pontifical romain de 1595 est tributaire de celui de 1485.
En outre, on sait combien efficace fut, de l'avis de l'évêque de Pienza lui-même, la contribution de Jean Burckard à la rédaction des livres d'Inno-cent VIII. Or le Ritus servandus du missel tridentin est en substance, à quelques détails près, l'Ordo missae de 1502 du cérémoniaire alsacien[40]. On n'ignore pas non plus que le cérémonial des évêques de 1600 a été produit à partir des mêmes sources que celles qui préludèrent à la rédaction du cérémonial de Patrizi, et qu'il convient en sus d'y relever, sans pour autant l'exagérer, l'influence du cérémonial qu'écrivit vers 1508 le chanoine Paris de Grassi[41], successeur de Burckard comme maître des cérémonies de la chapelle papale[42].
On se ralliera donc aux observations suivantes :
- Les livres liturgiques post-tridentins, et ici nous distinguons ceux qui envisagent ou se réfèrent à la célébration eucharistique, à savoir le missel, le pontifical et le cérémonial des évêques, forment un corpus homogène à l'élaboration duquel oeuvrèrent, à partir des mêmes sources sus-énoncées, les mêmes liturgistes periti en matière de cérémonies, et particulièrement de cérémonies papales.
- Cette homogénéité suppose, derrière la codification et l'exécution de ces rites, une doctrine, à savoir une vision ecclésiologique qui impose une économie des rites, une logique interne, une intelligibilité cérémonielle. Nous postulons donc des caractéristiques fondamentales qui déterminent un système à part entière des livres post-tridentins, et permet de mettre en évidence la cohérence parfaite et l'interdépendance de ces livres entre eux. Or, ce système ne peut être vraiment saisi que par une lecture verticale des rubriques liturgiques qu'ils contiennent.
C'est à une telle lecture que nous allons désormais brièvement nous consacrer, en considérant comment certains rites eucharistiques du cérémonial papal d'Innocent VIII sont passés dans le missel romain de saint Pie V.
II. Rites eucharistiques
La messe pontificale du pape, telle que Patrizi la décrit pour le jour de Noël au deuxième livre de son cérémonial, est, quant aux règles de la célébration, à quelques détails près, celle des cérémoniaux médiévaux qui la précédèrent. Seules les règles d'étiquette relatives aux princes et seigneurs qui assistent et prennent part à la célébration du pontife romain, et les diverses épreuves et prégustations, constituent des nouveautés et témoignent de l'empreinte de la Renaissance. Les préliminaires de la célébration eucharistique ne feront que croître à l'époque baroque.
Le texte distingue deux sièges pour le pontife. Le premier est placé derrière le grand autel, dans l'abside, mais sur un côté, sorte de petit trône où le pape, venu de son palais revêtu du pluvial et de la mitre, entonnera tierce et prendra les ornements pour la messe. De là, après avoir imposé l'encens, il se rendra au pied de l'autel pour le rite de la confession, ayant sur le chemin reçu l'hommage des trois derniers cardinaux-prêtres. Lorsqu'il aura encensé l'autel et aura été encensé par le cardinal-diacre de l'évangile (ou cardinal ministrant), puis aura admis ce dernier et les deux autres cardinaux-diacres assistants à l'hommage du double baiser de la joue et de la poitrine, le pape se rendra au grand trône, ad sedem suam eminentem[43]. Remarquons bien qu'il n'a pris possession de ce siège élevé au fond de l'abside, d'où il domine toute l'assemblée, qu'une fois les rites préparatoires du petit trône et ceux pénitentiels et de vénération de l'autel accomplis. Désormais, jusqu'à l'heure de l'action eucharistique proprement dite, c'est-à-dire jusqu'à l'offertoire, c'est vers le trône du pontife que vont converger toutes les cérémonies, se porter toute l'attention ; c'est de là que le pasteur suprême va organiser toute la célébration liturgique.
1) Offertoire et offrandes
Le chant du Credo va permettre les premières préparations de l'autel dont la table est demeurée nue, à l'exception, sur le fond, de la parure de la croix et des sept chandeliers, jadis portés en procession. Patrizi atteste que l'autel est le lieu où l'on dépose le regnum (tiare) ; la présence des statues des saints Pierre et Paul est mentionnée dès Clément V[44] ; on y a ensuite admis celle de deux reliquaires mais jamais, sur l'autel lui-même, n'a été soufferte la décoration florale. Le cardinal-diacre ministrant et le sous-diacre latin (ou sous-diacre ministrant) étendent sur l'autel une nappe de toile damassée[45]. Le diacre dispose le corporal, la boîte à hosties et les purificatoires apportés par le sous-diacre. Le calice avec sa cuiller et sa patène sont portés au diacre par le sacriste après qu'il les a lavés à la crédence papale ; un acolyte le suit avec les burettes et une coupe d'argent pour la prégustation qu'aura lavée aussi le sacriste. Ces derniers rites sont des nouveautés. Les cérémoniaux antérieurs ne mentionnent rien qui puisse évoquer ces ablutions ; quant à la prégustation de la matière du sacrifice, le cérémonial long avignonnais dont la rédaction est à situer entre 1340-1362 la relève comme un usage possible[46]. Deux évêques assistants posent sur l'autel le missel avec son coussin et le bougeoir. Le pape, ayant déposé les gants et s'étant lavé les mains, quitte le trône et s'avance vers l'autel où il va procéder aux rites de l'offertoire.
De la solennelle présentation des oblats au pontife de la part de la haute noblesse, des fonctionnaires de la cour, de ses assistants, de sa propre offrande apportée par le subdiaconus oblationarius, tous rites décrits avec précision par l'Ordo romanus I[47], il ne reste dans le cérémonial apostolique du XVe siècle que de pâles vestiges.
Lorsque le pain azyme s'imposa peu à peu en Occident, et ce dès le IXe siècle jusqu'à être universellement reçu vers le milieu du XIe siècle[48], l'oblation des fidèles, très prisée en territoire franc, allait consister en l'offrande d'autres objets parmi lesquels, en particulier, se distinguaient l'huile, la cire, les cierges, voire l'or et l'argent[49]. Au XIIIe siècle, le cérémonial ou Ordo de Grégoire X ne supposait plus de rite d'offrande à la messe du pape. Les offrandes ne se pratiquaient plus que lors de cérémonies extraordinaires. Ainsi Patrizi décrit-il un rite d'offrande lors de la messe d'une canonisation : un cardinal-évêque offrira au pontife deux pesants cierges de cire, un cardinal-prêtre deux grands pains, un cardinal-diacre deux tonnelets de vin. Ils sont escortés de gentilshommes ; un orateur accompagne chacun de ces cardinaux et offre au pape un cierge et une cage avec des oiseaux. Il faut remarquer qu'il s'agit ici d'une offrande personnelle et symbolique faite au pontife afin de le remercier de la grâce spirituelle reçue. Car ne nous y trompons pas : quand, à l'usage de l'offrande, de la part des fidèles, des oblats eucharistiques vint s'ajouter puis succéda l'offrande d'autres éléments, on établit une séparation rigoureuse entre les oblats[50]. Cette distinction, qui apparaît clairement dans l'étude des rites d'offrande, a été exactement formulée par saint Thomas d'Aquin lorsque, au traité de la religion, il distingua avec précision la simple oblation qui est la présentation, d'un caractère libre et indéterminé, faite à Dieu d'une offrande à l'usage du culte ou de ses ministres, d'avec l'offrande d'une matière, en l'occurence le pain et le vin, sur laquelle va être accompli, en concomitance avec l'acte d'offrir, un rite sacré déterminé, un sacrum facere, un sacrifice[51]. Il convient donc de noter la différence entre la simple présentation d'offrandes, non finalisée par le sacrifice, et l'offrande liée au sacrifice. Seuls donc le pain et le vin, que désormais les ministres sacrés portent, de la crédence - où ils ont été préparés - à l'autel, sur lequel la matière du sacrifice sera présentée au pontife pour qu'il l'offre en un rite de séparation de perspective sacrificielle, peuvent être l'objet du rite d'offertoire[52]. La saisie de cette distinction fondamentale est donc nécessaire pour une juste intelligence de la nature de l'offertoire. Ce que Joseph-André Jungmann appelle "l'attitude en somme hostile de la liturgie romaine récente à l'égard de la procession d'offertoire[53]" semble s'expliquer par le souci d'éviter toute ambiguïté sur la signification du geste et de la matière de l'offrande.
Le cérémonial apostolique de Patrizi, nous l'avons vu, a conservé l'offrande lors de la canonisation, et l'offrande d'or de l'empereur au jour de son couronnement. Le pontifical romain de 1595 prévoit, juste avant les rites d'offertoire, les offrandes d'un cierge au pontife de la part de ceux qui viennent d'être promus à la première tonsure cléricale, aux ordres mineurs et majeurs, ainsi que de la part des vierges consacrées. L'évêque qui vient d'être sacré et l'abbé nouvellement béni lui offriront deux pesants cierges (intortitia), deux pains et deux tonnelets. De la nouvelle abbesse, on ne requerra que les intortitia, tandis que rois et reines offriront à l'archevêque métropolitain qui les aura couronnés de l'or quantum sibi placet : autant qu'il voudra bien en recevoir.
Pas plus que dans l'Ordo de la messe papale de Patrizi que dans celui de la messe épiscopale du Cærimoniale episcoporum de Clément VIII, il n'est de trace de l'offrande dans le Ritus servandus du missel romain de saint Pie V. En 1502, l'Ordo missae de Jean Burckard l'envisageait encore : il était réservé au protestantisme de lui donner le coup de grâce. On pourrait cependant citer une multitude d'exemples de rites s'y rapportant, pratiqués en vertu de coutumes immémoriales[54]. On connaît les récents efforts en vue de restaurer les rites d'offrande ; nul n'ignore hélas combien ils contribuent, dans l'esprit d'un grand nombre, à amoindrir la perspective sacrificielle de l'offertoire.
Mais continuons notre lecture de l'Ordo de l'évêque de Pienza. Le pontife romain parvenu à l'autel reçoit la patène avec l'hostie, puis le calice où le diacre a versé du vin en suffisance pour trois personnes - pour le pontife, le diacre et le sous-diacre. Ce dernier y a mêlé un peu d'eau à l'aide d'une cuiller. Le pontife fait l'oblation du pain, puis le diacre, ministre ordinaire du Précieux Sang, récite avec le pontife la formule d'offrande du calice. Le cérémoniaire impose autour du cou du sous-diacre un voile de soie afin qu'il garde la patène, couverte à l'aide de ce voile léger, jusqu'à la préparation des rites de communion vers la fin du Pater noster. Nous trouvons cette marque de respect envers la patène dès l'Ordo romanus I. Cependant, à la fin du VIIe siècle, c'était d'abord un acolyte qui, couvert d'un voile de lin, tenait jusqu'au canon la patène de grande dimension ; ensuite un sous-diacre sequens la recevait super planetam, venait devant l'autel et y attendait que le sous-diacre regionarius[55] la lui prît une fois le canon fini[56].
On procède aux encensements des oblats, de l'autel, du pontife, des cardinaux, du clergé par ordre, etc. Le pontife continue la messe. Pour l'élévation, et jusqu'après la communion du pontife, huit acolytes apostoliques tiennent des flambeaux de cire ; un autre acolyte encense le saint sacrement.
2) Rites de communion
Après l'élévation, le sacriste, les épaules couvertes d'un voile, prend de la main droite, le chalumeau d'or qui servira au pontife pour la communion au calice[57] ; dans sa main gauche il tient un calice. Précédé d'un acolyte portant des burettes et une coupe d'or, escorté de servants d'armes, il se rend à la crédence papale ; là, il lave avec du vin et de l'eau le chalumeau, le calice et la coupe d'or, les essuie puis les dépose sur l'autel. S'il est apparu très clairement jusqu'à présent que la messe épiscopale décrite par le Cærimoniale episcoporum post-tridentin n'est en quelque sorte, mises à part quelques particularités et de récentes règles d'étiquette de teneur royale, qu'une adaptation de la messe papale aux proportions d'une cathédrale, désormais c'est toutefois un rite unique qui se prépare et que toujours les papes conservèrent comme un privilège personnel, qu'ils n'accordèrent pas même au patriarche de Lisbonne[58] : la communion ad sedem exaltatam, au trône[59], déjà mentionnée dans l'Ordo romanus I.
L'Ordo romanus I, la première description rituelle du culte eucharistique à Rome que nous possédons, présente, à l'occasion de la communion, une grande complexité de rites, dont une multiplicité de rites d'immixtion. Nous n'évoquons ici l'Ordo I qu'en tant qu'il nous permet de mieux comprendre certains "rites-vestiges" que nous livrent le cérémonial de l'évêque de Pienza et les livres tridentins. Après l'embolisme du Pater, qu'accompagne la remise de la patène, vient la première immixtion dans le calice du fermentum, portion des sancta consacrés lors d'une messe précédente. On procède alors au baiser de paix. Après qu'il a déposé sur la grande patène tenue par le diacre les deux pains consacrés qu'il avait offerts, et dont il a détaché un fragment qu'il laisse sur l'autel - première fraction -, le pape part pour le trône. Tandis que les acolytes reçoivent de l'archidiacre, assisté des sous-diacres, les pains consacrés dans des sachets de lin et se rendent auprès des évêques et des prêtres, deux sous-diacres portent la patène du pape jusqu'au trône où il se tient. Là, sur cette patène, les diacres accomplissent la fraction. Les évêques et les prêtres procèdent de même à la fraction des pains consacrés. Durant toute cette solennelle fraction, on chante l'Agnus Dei. Ensuite, le diaconus minor présente la patène au pontife. Celui-ci communie, ayant soin de détacher une partie du pain consacré qu'il met dans le calice en prononçant la formule "Haec commixtio et consecratio" lors de cette seconde commixtion. Puis il prend le Précieux Sang dans le calice que lui présente l'archidiacre. Le clergé communie à l'espèce du pain de la main du pontife, au trône, à l'espèce du vin de la part de l'archidiacre, à l'autel. Tous communient au saint corps et à un calice (scyphus) de vin où l'on a mêlé du Précieux Sang[60].
Rites préparatoires et immixtion
Revenons au cérémonial apostolique de Patrizi. L'ordonnance des rites préparatoires à la communion qu'il décrit est celle livrée par l'Ordo lateranensis de 1145, le cérémonial épiscopal du prieur Bernard[61]. Les rites eucharistiques décrits par Bernard n'étaient autres que ceux de l'Hadrianum enrichi par Alcuin dans les premières années du IXe siècle[62] ; pour le culte non-eucharistique, il dépendait étroitement du pontifical romano-germanique du Xe siècle[63]. Il n'y a plus désormais qu'une seule immixtion. L'ordonnance des rites est celle que nous livre, via le missel de la curie romaine du XIIIe siècle, le missel romain de saint Pie V, à savoir : remise de la patène, prière du Libera nos, fraction de l'hostie, Pax Domini, première et unique immixtion, chant de l'Agnus Dei, oraison Domine Jesu Christe, baiser de paix.
Il faut cependant ici remarquer que la place de l'immixtion de l'Ordo lateranensis, celle retenue par l'évêque de Pienza et avant lui par le cérémonial long avignonnais (1340-1360) pour la messe papale, ne correspond plus à celle décrite par Innocent III dans le De Missarum mysteriis[64] et par l'ensemble des cérémoniaux de la chapelle papale jusqu'à celui de Stefaneschi inclus, telle en outre que Guillaume Durand la commenta[65]. Ainsi la messe épiscopale de l'Ordo lateranensis a-t-elle pénétré la liturgie papale, et assistons-nous ici à une de ces "interactions entre liturgies", à savoir entre la basilique du Latran et la chapelle papale, signalées par le père Gy[66]. En effet, jusqu'à l'époque du cérémonial long avignonnais, selon les paroles d'Innocent III, "Romanus pontifex alium in communicando morem observat[67]": après le triple signe de croix fait avec la parcelle sur le calice en disant le Pax Domini, il replaçait la parcelle sur la patène ; le baiser de paix donné, il remontait à son trône et, à la vue de tous, prenant sur la patène tenue par le sous-diacre la plus grande des trois parcelles qui lui étaient présentées, il la subdivisait, en prenait une partie et mettait l'autre dans le calice. S'il n'y avait plus qu'une immixtion, celle-ci cependant évoquait l'Ordo romanus I : elle rappelait le rite solennel de la fraction au trône, elle maintenait la seconde immixtion de ipsa sancta quam mormorderat[68]. Les deux autres parcelles servaient à la communion des diacres et sous-diacres que nous voyons recevoir la paix au moment même de communier.
Dans le cérémonial de Patrizi, le pape a laissé choir la parcelle avec laquelle il a tracé au Pax Domini le triple signe de croix ; il a donné la paix au cardinal-évêque assistant, puis aux deux cardinaux-diacres assistants, a quitté l'autel pour le trône du fond de l'abside. Désormais, à l'autel, le diacre ministrant élève jusqu'à la hauteur des yeux la patène avec l'hostie, décrit des mouvements circulaires, la remet au sous-diacre qui la porte à la gauche du pape. Ces mêmes mouvements réitérés avec le calice, le diacre porte le calice à la droite du pontife. Le pontife, dans le livre que tient devant lui un évêque assistant, lit les oraisons prescrites ; il prend et consomme une des deux parcelles, puis il subdivise la parcelle restante ; avec le chalumeau d'or que lui présente le cardinal-évêque assistant, il prend une partie du Précieux Sang. Nous retrouvons donc ici une fraction au trône et la communion à une partie des saintes espèces, le reste de celles-ci étant réservées aux ministres sacrés.
Nous allons retrouver aussi le lien étroit qui unit le baiser de paix à l'acte même de la communion. En effet, le cardinal-diacre ministrant, qui avec le sous-diacre n'avait point reçu le baiser de paix à l'autel avec les cardinaux assistants, debout, tenant encore le calice et le chalumeau, s'incline, baise la main du pontife, reçoit sa parcelle eucharistique, baise le pontife au visage - il s'agit de fait d'une accolade - puis revient à l'autel où, au coin de l'épître, il prend un peu de Précieux Sang à l'aide du chalumeau. Le sous-diacre, agenouillé avec la patène, reçoit la communion au saint corps de la main du pape, avec les mêmes baisers de la main et du visage, puis il s'en vient à l'autel communier au saint sang après qu'il a purifié la patène.
Catalani relate en son commentaire l'usage ancien de donner une parcelle de la grande hostie à quelqu'homme illustre, à savoir l'empereur ; il cite l'exemple de Pascal II avec Henri V[69]. L'Ordo lateranensis, cérémonial de type épiscopal, qui donc n'envisageait pas la communion du pape ad sedem eminentem, prévoyait cependant que le diacre et le sous-diacre communiassent à l'hostie de l'évêque célébrant. A l'époque tridentine, cet usage ne devait être conservé que pour la seule messe du pape, à laquelle diacre et sous-diacre devaient absolument communier.
Baiser de paix et communion
On a vu que la réception de la paix de la part des ministres est liée à l'acte de la communion. Le baiser de paix au moment de la communion[70], trait distinctif des liturgies de Rome et d'Afrique depuis l'époque de saint Augustin, résonance depuis saint Grégoire le Grand du sicut et nos dimittimus du Pater, fut retenu comme une indispensable préparation à la réception du sacrement qui est signe de l'unité entre les membres du Corps mystique du Christ[71], et fut longtemps une pratique vivante. Cependant, lorsque la réception de la communion devint moins générale et se fit plus rare, le baiser de paix, venu du célébrant qui a baisé l'autel, voire l'hostie et le calice, transmis par les ministres, devint alors comme une sorte de suppléance à la réception du sacrement. Afin d'atténuer ce qui était désormais ressenti comme une marque d'intime familiarité[72], le Moyen Age stylisa le baiser, pour ne l'échanger bientôt plus qu'entre clercs lors de la messe solennelle.
Les rites décrits par Patrizi manifestent le lien du baiser de paix avec l'acte même de la communion. Les ministres sacrés baisent la main du pontife, reçoivent la communion, le baisent au visage. Or ce rite, mais cette fois-ci à l'autel, existe dans les livres tridentins. Le Cærimoniale episcoporum s'en fait le fidèle écho[73]. Il suppose évidemment la messe de l'évêque ordinaire du lieu au trône. A la cathédrale, le jour de Pâques, il décrit la communion générale des ministres sacrés, du clergé et du peuple. Après avoir communié, l'évêque donne aussitôt la communion au diacre et au sous-diacre avec deux hosties prises dans le ciboire et mises sur la patène[74]. Chacun d'eux baise d'abord la main de l'évêque, reçoit l'hostie, se lève, baise la joue gauche de l'évêque (il s'agit de l'accolade) qui lui dit "Pax tecum" et auquel il répond "Et cum spiritu tuo". Le diacre chante ensuite le Confiteor ; le pontife dit "Misereatur" et "Indulgentiam". Durant la distribution de la communion, le diacre tient le ciboire à sa droite et le sous-diacre la patène à sa gauche[75] : l'influence de la messe papale est ici évidente. Tous les chanoines communiants, précise le Cærimoniale episcoporum, baisent la main de l'évêque avant, et son visage après - rappelons-nous que les chanoines sont ici parés d'ornements sacrés. Tous les autres, aussi bien clercs que laïcs, ne baisent que sa main. Le pontifical romain de 1595 prescrit ce baiser de la main du pontife aux nouveaux ordonnés[76]. Le baiser de la main ou de l'anneau de l'évêque lors de la communion, surtout si on le rattache aux rites de la communion des ministres sacrés du cérémonial papal et du cérémonial épiscopal tridentin, apparaît donc comme un vestige du baiser de paix et exprime la communion avec l'évêque et, par lui, avec toute l'Eglise.
Signalons aussi une autre forme de remplacement du baiser de paix, celle du baiser de l'osculatorium ou instrument de paix. C'est ce baiser là que le missel romain de saint Pie V[77] et le Cærimoniale episcoporum[78] prévoient comme pouvant être transmis aux laïcs, et même aux clercs lors des messes non solennelles. C'est ce même baiser par instrument que Charles-Quint, désireux de remédier aux murmures des réformateurs, recommanda en 1548 dans la Formula reformationis ou Interim de Augsbourg[79].
On connaît aussi les tentatives récentes, de saveur à la fois archéologique et pastorale, pour restaurer le baiser de paix par simple mode d'un signe de paix qui ne viendrait plus de l'autel, mais s'échangerait simplement entre voisins ; elles convainquent peu.
Communion au calice et ablution
On aura noté la communion sous les deux espèces du diacre et du sous-diacre à la messe papale. Ceux-ci, suivant l'ancienne discipline, sont tenus de participer à la consommation du sacrifice dont ils sont les ministres à l'autel. Ils communieront au Précieux Sang à l'aide du chalumeau. Le cérémonial de Patrizi ne prévoit plus qu'on puisse donner le Précieux Sang à d'autres qu'aux ministres sacrés, pas même à l'empereur. Pour ce, il se recommande d'un précédent : la réception de Sa Majesté l'Empereur des Romains Frédéric III, venu à Rome en pèlerinage en 1468[80], visite dont la description fit l'objet du premier ouvrage de notre auteur[81]. Si l'empereur chanta sa leçon lors des matines de Noël et marcha à la gauche du pape, Paul II, nonobstant, lors de la messe solennelle du jour, ne l'admit pas à la communion au calice, pas plus d'ailleurs que n'y furent admis ce jour-là le diacre et le sous-diacre, rapporte la Descriptio de 1469, du fait de l'hérésie des Hussites de Bohême qui estimaient la communion au calice nécessaire au salut[82]. Le missel romain de saint Pie V ne retient pas comme possible la communion au calice. On sait que Charles-Quint souhaitait qu'on la concédât pour l'Allemagne. Il était mort depuis plusieurs années (1558) lorsqu'au lendemain du concile de Trente, en 1564, on l'octroya sous certaines conditions pour la retirer, après expérience, dès 1571, en Bavière, puis en Autriche (1584), enfin en Bohême et dans toute la chrétienté (1621)[83].
Dom Martène a distingué trois modes d'administration de la communion au Précieux Sang[84]. Le plus ancien consistait à boire au calice même. Cependant l'Ordo romanus I mentionne déjà un pugillaris, premier nom du calamus, à l'aide duquel le peuple prendra le Précieux Sang[85]. On connaît enfin le rite de l'intinction, encore pratiqué dans la plupart des rites orientaux, remis en valeur depuis peu en Occident où, fort reçu au Nord avant le XIIe siècle, il avait d'ailleurs été réprouvé par les synodes de Braga (675) et de Clermont (1096).
Il faut toutefois remarquer que le calice ou la coupe (scyphus) à laquelle, par le truchement du pugillaris, les fidèles de l'Ordo romanus I étaient communiés, contenait du vin auquel l'archidiacre avait mêlé un peu de Précieux Sang[86]. De même, en effet, qu'on pratiquait une certaine sanctification ou bénédiction du vin non consacré par l'immixtion d'une parcelle de pain consacré - rite que nous retrouvons le vendredi saint dans la messe tridentine des présanctifiés, hélas sacrifiée en 1955 ; de même, dis-je, se pratiquait au VIIIe siècle, et jusqu'au XIIe environ, un rite de sanctification du vin, cette fois-ci au moyen du Précieux Sang, ad confirmandum populum.
A l'heure des premières grandes synthèses dogmatiques, l'abandon de la communion au calice qui, à l'instar de la communion dans la main disparue plus tôt, n'avait pas été sans engendrer des accidents, mit un terme au rite de sanctification du vin par adjonction du Précieux Sang. Or, ce rite lui-même ne constituait-il pas déjà une restriction ? Comment, d'ailleurs, était-il perçu : communion eucharistique ou rite de purification ? Quoi qu'il en fût, c'est au XIIIe siècle que l'on vit se généraliser l'usage de l'ablutio oris, ablution ou purification de la bouche avec du vin[87]. Le principe de prendre un peu d'eau, de vin, voire de nourriture après la communion eucharistique, constitue une très ancienne observance signalée, entre autres, en Occident par saint Benoît et par saint Jean Chrysostome en Orient. On craignait en effet qu'une parcelle du pain consacré, qui n'était pas encore le pain azyme, ou que quelques gouttes du Précieux Sang ne s'échappassent de la bouche avec la salive. L'usage demeura après que l'on eut adopté le pain azyme et aboli la communion au calice. Une décrétale d'Innocent III de 1204 obligea les prêtres à l'ablution de la bouche avec du vin[88]. Cette ablution fut prise assez généralement par tous les communiants auxquels on présentait une coupe de vin. Sans doute dut-elle se confondre avec le mode de communion au calice de vin mêlé de Précieux Sang, car elle lui succéda pratiquement. "Quand on a cessé de donner la communion sous les deux espèces, écrivit le père Lebrun[89], on a cru devoir présenter du vin aux fidèles, parce qu'on peut avoir besoin d'une liqueur pour avaler entièrement la sainte hostie, qui pourrait s'attacher aux dents et au palais". Et le savant oratorien de citer ce qui se pratiquait encore à son époque.
Aussi voit-on à la messe papale le diacre et le sous-diacre prendre la purification - c'est le terme des livres liturgiques - dans le calice où ils viennent de communier, tandis que le pape se purifie la bouche avec du vin versé au second calice. Cette ablution ou purification de la bouche de la part des communiants n'est en rien une particularité de la messe papale. Elle est généralement citée au chapitre des rares usages du Ritus servandus du missel romain de saint Pie V tombés en désuétude. Cependant Jungmann cite plusieurs exemples récents de cette pratique. Car le missel la décrit[90] : hors de l'autel, le servant tient dans la main droite un vase de vin avec de l'eau, et un linge blanc dans la main gauche ; il présente la purification aux lèvres de celui qui a communié et le linge pour qu'il s'essuie. Le pontifical romain de 1595 la mentionne expressément pour les saintes ordinations, non pour les seuls nouveaux prêtres auxquels elle a toujours été administrée, mais pour tous les sujets de l'ordination générale[91]. Le Cærimoniale episcoporum la décrit pour la communion du clergé et du peuple[92]. De savoureuses gravures d'époque de ces deux derniers livres la représentent. Il n'y a que des règles de commodité et d'hygiène qui puissent expliquer la disparition quasi générale d'un usage si vénérable.
On ne purifiera pas seulement la bouche, mais tout ce qui est entré en contact avec les saintes espèces : doigts et calice. Le pape se purifiera les doigts avec du vin, à une coupe d'or. Il ne boira pas cette ablution. Il s'assied, reçoit la mitre, se lave les mains[93] selon l'étiquette princière minutieusement décrite, puis revient à l'autel pour la postcommunion et la bénédiction. Le cardinal-évêque assistant publie ensuite la formule d'indulgence, puis le cardinal-diacre ministrant retire le pallium au pontife. C'est paré des ornements sacrés que le pape regagne son palais.
Conclusion
A la lecture de l'Ordo missae de Agostino Patrizi Piccolomini, on est frappé par l'appareil des rites qui entourent le souverain pontife et manifestent sa qualité, selon les paroles mêmes de l'imposition de la tiare, de "père des princes et des rois, recteur du monde et vicaire de Jésus-Christ". Nous le voyons entouré d'un très nombreux clergé : les cardinaux l'entourent, les évêques l'assistent, les princes sont admis à lui laver les mains, les divers corps de prélats de la curie occupent chacun une fonction, correspondant souvent à un ministère liturgique : sous-diacres apostoliques, acolytes, clercs de la chambre. Autour du trône du pontife se manifeste au plus haut point la structure hiérarchique de l'Eglise romaine. Cependant, lorsque le pasteur suprême va quitter son trône, d'où il veille sur l'Eglise et le monde, pour l'autel afin d'y offrir le sacrifice eucharistique, les rites d'apparat vont s'estomper : il n'y aura plus que le prêtre, certes entouré magnifiquement, offrant la victime sainte.
Ces remarques sur la nature de la célébration pontificale du pape sont applicables à la messe pontificale de l'évêque dans sa cathédrale, voire à celle d'un cardinal extra Urbem - quoiqu'avec une solennité moindre pour ce dernier. Le schéma est le même, sorte de décalque de la chapelle papale : chapitre paré, prêtre et diacres assistants, chant de tierce et habillement au petit trône du secretarium, règles d'étiquette pour les lavements des mains, présidence au grand trône, etc., jusqu'à la célébration du sacrifice proprement dit. Quant à la distinction entre le cérémonial pontifical et le cérémonial solennel sacerdotal, elle s'opère en fonction de la distinction - fortement étayée par le pouvoir de juridiction - entre l'ordre épiscopal et l'ordre sacerdotal. La présence, ou l'absence, des insignes pontificaux en est la conséquence.
Outre certaines marques d'honneur et des usages archaïques secondaires, ce sont surtout les rites liés à la communion ad sedem eminentem, dont nous avons tenté l'analyse, qui constituent une notable particularité de la messe papale, puisqu'on ne les retrouve pas dans la messe épiscopale du Cærimoniale episcoporum. Pourquoi le pape consommait-t-il le sacrifice non à l'autel mais à la cathedra[94] ? Les explications n'ont pas manqué, certaines fort allégorisantes[95]. Nous nous contenterons de faire remarquer que, déjà dans l'Ordo romanus I, le pontife romain avait laissé l'autel pour le trône d'où il présidait à la solennelle fraction des pains eucharistiques. Innocent III, et après lui Guillaume Durand, ont insisté sur cet aspect public de la fraction et de la communion du souverain pontife parce que, dit le premier, "Christus in Emaus coram duobus fregit, et in Jerusalem coram decem apostolis manducavit[96]". Quoiqu'il en soit de l'allégorisme de cette explication, elle nous intéresse en tant qu'elle lie étroitement le rite de la fraction, et partant de l'immixtion, à la communion elle-même. Puisque le terme de fractio panis avait servi dans l'antiquité chrétienne à désigner le sacrifice eucharistique, la solennelle fraction de l'Ordo I faite au trône, et la communion à elle liée que connaît encore et décrit Patrizi, tendent-elles à manifester, dans la célébration eucharistique du pasteur suprême, la réalisation de l'unité de l'Eglise par la participation au sacrement[97] ? En un mot, ces rites de la plus haute solennité manifestent-ils, par et dans l'action hiérarchique, que "l'Eucharistie fait l'Eglise"?
On ne saurait dire alors, comme nombre de nos liturgistes "pastoraux" l'ont dit à satiété, que les vieux livres liturgiques concevaient la célébration eucharistique sans la participation au sacrifice, de la part des assistants, par la communion. Dès le Ve siècle, on avait assisté à une diminution de la fréquence de la communion dans le peuple chrétien. Ce phénomène est bien attesté par l'obligation de la communion pascale faite par le IVe concile du Latran (1215). S'il ne nous revient pas ici d'en analyser les causes, nous croyons cependant pouvoir expliquer en partie la raréfaction de la communion lors des messes solennelles par la discipline du jeûne eucharistique. Ces messes étant généralement célébrées à une heure avancée de la matinée, on préféra communier lors d'une messe lue matinale, voire en dehors de la messe. Cette même rigueur antique du jeûne eucharistique n'est sans doute pas l'une des moindres raisons qui firent anticiper au matin les fonctions de la semaine sainte. Quant aux livres liturgiques, ils ne firent que sanctionner un état de fait. Nous avons cependant souligné, à l'aide du pontifical romain et du Cærimoniale episcoporum qu'ils présentent une liturgie de l'administration de la communion en relation avec celle que déploie l'Ordo romanus I, même s'ils introduisent à l'occasion certaines particularités de la communion extra missam. On aurait donc tort de voir comme assumée par la liturgie tridentine l'excessive distinction entre l'Eucharistie-sacrifice et l'Eucharistie-sacrement. Bien au contraire, la communion du souverain pontife ad sedem met en relief la fonction de la communion comme achèvement, ou point d'aboutissement, du sacrifice in sacramento.
Des rites significatifs qui entourent la célébration sacramentelle, saint Thomas d'Aquin dit que certains sont accomplis en vue de représenter la Passion du Christ, que d'autres se réfèrent au Corps mystique qui est signifié par ce sacrement, que d'autres enfin expriment la dévotion et la révérence dues à ce mystère[98]. L'aspect cérémoniel nous semble consister surtout en la manifestation de la structure hiérarchique de l'Eglise dans la célébration du sacrement. On en conclura aisément que les livres liturgiques, du cérémonial papal prétridentin au missel romain, sans oublier le pontifical et le cérémonial des évêques, envisagent la célébration eucharistique comme l'acte par excellence dans lequel l'Eglise s'accomplit. Ils s'organisent et se structurent autour de l'acte central du sacrifice sur la base d'une tradition théologique et d'une tradition liturgique intimement liées, aujourd'hui hélas contestées. Or, à cette Tradition, ainsi qu'à tout ce qu'elle a engendré dans l'ordre de la civilisation et de la culture, en tant que chrétiens vivants dans l'espace et le temps, nous nous sentons profondément liés.[1] Cf. saint THOMAS D'AQUIN, Somme de théologie, IIIa, q. 60, a. 2 : "Signa dantur hominibus, quorum est per se nota ad ignota pervenire. Et ideo proprie dicitur sacramentum quod est signum alicuius rei sacrae ad homines pertinentis : ut scilicet proprie dicatur sacramentum, secundum quod nunc de sacramentis loquimur, quod est signum rei sacrae inquantum est sanctificans homines."
[2] Cf. Père Joseph de SAINTE-MARIE, L'Eucharistie salut du monde, Paris, 1981, pp. 295 et sq. "De soi, la Résurrection du Christ et son Ascension achèvent tout. Mais il s'introduit après elles comme un retard et comme une dilatation du temps pour l'accomplissement du mystère dans et par l'Eglise. Si l'Incarnation, la Passion et la Résurrection-Ascension sont les trois temps fondamentaux de la réalisation du mystère par et dans le Christ lors de sa vie terrestre, au centre de l'histoire, ces trois temps vont en quelque sorte se retrouver dans la vie de l'Eglise. Ce seront la Pentecôte, qui est comme l'Incarnation étendue à l'Eglise, la Passion de cette Eglise, établie dans sa condition de corps et d'épouse du Christ, et sa Résurrection glorieuse lors de la parousie (Ap. 21, 2). Alors seulement la fin de l'histoire, commencée avec la Résurrection du Christ, et même avec sa conception, sera consommée. Et elle le sera parce que l'Eglise, dans le temps qui lui aura été donné pour cela, aura rempli sa mission, qui est précisément de consommer le mystère du Christ. Elle le fait par la force de l'Esprit, dans lequel elle a été conçue et par lequel elle est née, au jour de la Pentecôte. Elle le fait par son témoignage, et PAR SA LITURGIE, c'est-à-dire PAR LA CELEBRATION DES SACREMENTS DU MYSTERE, SOURCE PERMANENTE DE CETTE EFFUSION DE L'ESPRIT DU CHRIST RESSUSCITE DANS SON CORPS MYSTIQUE. Elle le fait par toute sa vie" (pp.298-299).
[3] Mgr M. ANDRIEU, Le Pontifical romain au Moyen Age - T. III : "Le Pontifical de Guillaume Durand", Città del Vaticano, Coll. Studi e Testi 88, 1940, pp. VIII et sq. "Si l'on veut avoir le sentiment vif de ce qu'a été la chrétienté, au temps où son unanimité n'était pas encore rompue, si l'on veut connaître l'idéal qu'elle portait, les conceptions sur lesquelles elle s'efforçait de se modeler, il faut s'attarder sur ces antiques textes, en pénétrer le sens et les comprendre comme ils ont été compris. En cette fin du XIIIe siècle, ils reflètent tous les aspects de l'incessant commerce que le peuple chrétien entretenait avec le monde du surnaturel" (p. XIII).
[4] LEON XIII, Immortale Dei, Ier novembre 1885.
[5] Cf. Mgr J. NABUCO, "la Liturgie papale et les origines du cérémonial des évêques", in Miscellanea liturgica Mohlberg, Rome, 1948, Vol. I : "[...] Si l'on fait une comparaison entre les fonctions pontificales du cérémonial des évêques et celles du cérémonial romain, c'est-à-dire, du cérémonial papal, l'on voit tout de suite que l'un est le prototype de l'autre. Je me rappelle très bien mon premier contact avec le cérémonial des évêques. J'étais au commencement de mes études théologiques et liturgiques. Je lisais et relisais ce petit volume sans y rien comprendre. [...]. J'essayais de me mettre dans l'atmosphère où se trouvaient les auteurs ou l'auteur du livre. Quelques chapitres me semblaient bien réussis et même très beaux. [...]. Je n'arrivais pas, cependant, à une analyse satisfaisante de ce livre mystérieux. [...]. Enfin, après de longues divagations, j'arrivai à comprendre que la liturgie romaine, c'est la messe solennelle de l'évêque dans sa cathédrale. Toutes les autres fonctions décrites dans le cérémonial ou le pontifical ne faisaient que circuler autour de ce rite princier. La messe solennelle sacerdotale, d'après le Ritus servandus du missel, ne serait autre chose que la messe pontificale sans le trône, sans les insignes pontificaux, et avec un clergé réduit" (pp. 282-283).
[6] Cf., entre autres, J. A. JUNGMANN, Missarum sollemnia, Paris, 1951, T. I, pp. 243-256 : "L'évêque, entouré de son clergé, offrant le sacrifice au milieu de la communauté, telle est la forme primitive de la célébration de la messe. [...]. Les Ordines romani pour la messe papale offrent le même tableau ; [...] les Ordines romani étant devenus, pour des siècles, la règle de la messe pontificale dans presque tout l'Occident, cette disposition subsista aussi ailleurs (p. 243). [...]. La messe pontificale actuelle et sa forme la plus haute, la messe papale, où, certes, le concours des fidèles est un fait plus qu'un élément nécessaire, sont la continuation directe de l'assemblée eucharistique plénière présidée par l'évêque. Mais la grand-messe avec diacre et sous-diacre, dite par un simple prêtre, qu'on aurait pu expliquer, semblait-il, à partir de la messe du prêtre dont elle serait une forme postérieurement solennisée, apparaît bien plutôt, elle aussi, comme une dérivation tardive de la messe pontificale. C'est pourquoi, aujourd'hui encore, la différence entre la messe pontificale et la messe solennelle du prêtre est relativement faible dans la liturgie romaine" (pp. 248-249). (Il conviendrait d'ajouter à cette remarque de J. A. JUNGMANN que la limitation que constitue la messe pontificale au faldistoire, d'origine purement romaine, constitue une autre étape entre la messe pontificale au trône et la messe solennelle d'un simple prêtre : plus proche de celle-ci que de celle-là, le faldistoire du pontife "étranger" à l'instar de la banquette du prêtre ne constituant pas, à la différence de la cathedra de l'ordinaire, un lieu de présidence pour cet évêque dont tous les actes rituels seront relatifs à l'autel.) Voir aussi : C. VOGEL, in Introduction aux sources de l'histoire du culte chrétien au Moyen Age, Spolète, 1981, p. 128 ; pour la bibliographie voir pp. 129-130 et 358-359; N. K. RASMUSSEN O.P., "Célébration épiscopale et célébration presbytérale : un essai de typologie", in Segni e riti nella Chiesa altomedievale occidentale, Spolète, 1987, T. II, pp. 581-603 : "[...] La plupart des textes nous montrent que la messe presbytérale ne peut être conçue que comme une messe épiscopale de forme réduite, et non comme une eucharistie distincte de celle de l'évêque" (p. 602).
[7] Cf. l'introduction au nouveau Cærimoniale episcoporum, Città del Vaticano, 1985, p. 8 : "Qui liber, stilo mutato, a Christophoro Marcello, archiepiscopo electo Corfirensi [...] nostris quoque diebus, in caerimoniis romani pontificis usui remansit."
[8] A propos de cette révision du pontifical de Durand de Mende opérée par Agostino Patrizi Piccolomini, voir M. DYKMANS S.I., Le pontifical romain révisé au XVe siècle, Città del Vaticano, Studi e Testi 311, 1985, pp. 108-123.
[9] Sur la polémique engagée par Paris de Grassi, cf. : J. MABILLON - M. GERMAIN, Museum italicum, Paris, 1687-1689, T. II, pp. 587-592 = P.L., LXXVIII, 1401-14O6 ; J. NABUCO - F. TAMBURINI, Le Cérémonial apostolique avant Innocent VIII, Rome, 1966, pp. 33*-38*, 51* ; M. DYKMANS S.I., L'OEuvre de Patrizi Piccolomini, Città del Vaticano, Studi e Testi 293-294, 1980, T. I, pp. 33*-42*.
[10] M. DYKMANS S.I., L'OEuvre de Patrizi Piccolomini ou le cérémonial papal de la première Renaissance, Città del Vaticano, Studi e Testi 293-294, 1980.
[11] "Hec igitur, ut reor, provide considerans sanctitas tua, beatissime pater, cupiensque ut in rebus omnibus, tam divinis quam humanis, decus et ordo debite servetur, utque sine tumultu, quiete, tranquille, cum gravitate et dignitate omnia peragantur, iniunxit mihi ut tam ex libris maiorum, quos ex archivis romane Ecclesie complures deprompsit, quam ex quotidiano usu capelle apostolice, in quos annis supra viginti non sine labore assiduo versatus sum, cerimonias omnes, quibus nostro tempore uti consueverunt romani pontifices, pretermissis superfluis et antiquatis, in ordinem redigerem". Cf. M. DYKMANS S.I., op. cit., T. I, pp. 5-8 ; trad. franç. pp. 27*-29*.
[12] M. DYKMANS, op. cit., T. I : "Quel fut l'esprit du nouveau livre ? Patrizi a laissé sur les cérémonies liturgiques une sentence mémorable. Le rite est essentiellement religieux : "Cerimonia nihil aliud est quam honor deditus Deo aut hominibus propter Deum". L'honneur rendu à Dieu doit se retrouver dans ceux qui s'adressent aux hommes. C'est en ce sens que notre auteur voudra conserver tout ce que les siècles ont transmis de valable. Il n'omettra nulle vieille formule de prière, mais en ajoutera plutôt quand il en trouve, il gardera aussi toutes les rubriques des livres précédents, en s'efforçant de les rendre toujours plus pratiques et précises" (pp. 31*-32*).
[13] On consultera A.G. MARTIMORT, Les Ordines, les ordinaires et les cérémoniaux, Brepols, Typologie des sources du Moyen Age occidental, Fasc. 56, Turnhout, 1991. Pour le cérémonial papal, pp. 91-106.
[14] Pour ces livres ou "ordinaires", cf. A.G. MARTIMORT, op. cit., pp. 71-73.
[15] In M.P. FABRE - L. DUSCHESNE, Le Liber censuum de l'Eglise romaine, Paris, 1905, T. II, pp. 139-177.
[16] "Son "polyptyque" [...] restera une des sources de ses successeurs. Car tous ces auteurs vont dépendre l'un de l'autre. Leurs références, qu'ils taisent en général, peuvent souvent être indiquées" in M. DYKMANS S.I., Le Cérémonial papal de la fin du Moyen Age à la Renaissance, Bruxelles-Rome, Bibliothèque de l'Institut historique belge de Rome, Fasc. XXIV, 1977, T. I, pp. 7-8.
[17] Ibid., T. II, pp. 85-137.
[18] Ibid., T. I, pp. 290-316.
[19] M. ANDRIEU, "Le Missel de la Chapelle papale à la fin du XIIIe siècle", dans Miscellanea Francesco Ehrle, Città del Vaticano, Studi e Testi 38, 1924, Vol. I, pp. 348-376 : le missel de la chapelle papale "qui n'avait jamais quitté le sol italien [...] doit être considéré comme un très pur témoin de la liturgie papale, telle qu'on l'observait au Latran avant le départ de la curie" (p. 361) ; "Note sur un exemplaire de l'ordinaire papal transcrit en 1365 pour le cardinal Albornoz", in Revue des sciences religieuses, 5 (1925), p. 275. Mgr ANDRIEU publia des extraits de cet Ordo in Le Pontifical romain au Moyen Age, T. II : "Le Pontifical de la curie romaine au XIIIe siècle", Città del Vaticano, Studi e Testi 87, pp. 541-578 : Ordo qualiter agendum sit feria quinta, sexta et septima ante Pascha, ex ordinario capellanorum papae et e missali romano s. XIII.
[20] S.J.P. van DIJK O.F.M., The Ordinal of the papal court from Innocent III to Boniface VIII and related documents, Fribourg-en-Suisse, 1975, Spicilegium Friburgense 22.
[21] Cf. M. ANDRIEU, Le Pontifical romain au Moyen Age, T. III, "Le Pontifical de Guillaume Durand", Città del Vaticano, Studi e Testi 88, 1940, p. 632 et sq.
[22] M. DYKMANS S.I. a publié six volumes, oeuvres de la plus sûre érudition : Le Cérémonial papal de la fin du Moyen Age à la Renaissance, Rome-Bruxelles, Bibliothèque de l'Institut historique belge de Rome : T. I, Le Cérémonial papal du XIIIe siècle, 1977, Fasc. XXIV ; T. II, De Rome en Avignon ou le cérémonial de Jacques Stefaneschi, 1981, Fasc. XXV ; T. III, Les Textes avignonnais jusqu'à la fin du grand schisme d'Occident, 1983, Fasc. XXVI ; T. IV, Le Retour à Rome ou le cérémonial du patriarche Pierre Ameil, 1985, Fasc. XXVII. A ces quatre volumes il faut adjoindre les deux volumes de L'OEuvre de Patrizi Piccolomini ou le cérémonial de la première Renaissance, op. cit. Le Père van DIJK avait déjà publié l'édition critique d'extraits de l'Ordinarium Gregorii X, in The Ordinal of the papal court from Innocent III to Boniface VIII and related documents, op. cit., dont le De Missa papali, pp. 583-589. Il convient de signaler, entre l'étude des livres cérémoniaux de la fin du Moyen Age et celle du cérémonial de Patrizi, l'édition du Liber Caerimoniarum de Nicolas V, mise à jour du cérémonial du cardinal Stefaneschi (ordo XIV de Mabillon) par les soins de Pierre Gundisalvi de Burgos, clerc des cérémonies de 1445 à 1469. Cf. l'édition F. TAMBURINI - J. NABUCO, Le Cérémonial apostolique avant Innocent VIII, op. cit.
[23] M. DYKMANS S.I., L'OEuvre de Patrizi Piccolomini, op. cit., T. I, pp. 30*-31*.
[24] Cf. E. CELANI, "Johannis Burckardi Liber notarum", in Rer. ital. scr. 32, I, 1-2, Città di Castello et Bologne, 1906-1932.
[25] . Le Père M. DYKMANS avait annoncé l'édition du diaire de Paris de Grassi, en trois volumes, dans la collection de la Bibliothèque apostolique vaticane Studi e Testi. Elle n'a pas encore paru. Etait-elle prête lorsqu'il mourut ? Du même M. DYKMANS, cf. "Paris de Grassi", in Ephemerides liturgicae, 96 (1982), 99 (1985), 100 (1986).
[26] Cf. J. NABUCO, Le Cérémonial apostolique avant Innocent VIII, op. cit., pp. 22* et ss. : "La liturgie papale devint d'autre part si compliquée qu'il fallut, à peu d'exceptions près, la sacrifier ou n'en laisser subsister qu'un spectacle pompeux. Ce n'est pas que la messe papale soit en soi devenue si difficile. Ce sont les préliminaires qui ont été surchargés à l'excès". Voir aussi L. BOUYER, La Vie de la liturgie. Une critique constructive du mouvement liturgique, Lex Orandi 20, Paris, 1956, pp. 11-21.
[27] On trouve l'Ordo d'Urbain VIII dont nous n'avons pu consulter l'édition princeps, in D. GIORGI, De Liturgia romani pontificis in solemni celebratione missarum, ubi sacra mysteria ex antiquis codicibus, praesertim vaticanis, aliisque monumentis plurimum illustrantur, Rome, 1731-1734, Vol. II, L. IV. Catani cite souvent cet Ordo.
[28] J. MABILLON - M. GERMAIN, Museum italicum, op. cit.
[29] E. MARTENE, De antiquis Ecclesiae ritibus libri tres, Anvers, 4 vol., 1736-1738 (Georg, Hildesheim, 1967).
[30] Parmi les auteurs du XVIIIe siècle qui consacrèrent d'importants travaux à la liturgie papale, en sus de ceux, plus classiques, que nous évoquons, Monseigneur J. NABUCO signale (cf. Le Cérémonial papal, op. cit., p. 39*) le protestant Christian Gottlieb HOFFMANN (1692-1735), conseiller du roi de Prusse, dont les deux volumes, parus à Leipzig en 1731-1732, de sa Nova Scriptorum ac monumentorum, partim rarissimorum, partim ineditorum, collectio, contiennent la première édition du diaire de Paris de Grassi, précédée d'une dissertation sur l'auteur et sur les cérémoniaux romains (Ier vol.), le Liber diurnus romanorum pontificum et le cérémonial de Patrizi dans l'édition de Marcello. Voir aussi M. DYKMANS, in L'OEuvre de Patrizi Piccolomini [...], op. cit., T. I, p. 39*, n. 17 (où il corrige par HERMANN le nom de l'auteur que NABUCO avait appelé HOFFMANN).
[31] D. GIORGI, op. cit. supra.
[32] Op. cit., 2 vol., Rome, 1753.
[33] G. CATALINI, Sacrarum Caerimoniarum, sive Rituum ecclesiaticorum sanctae romanae Ecclesiae libri tres a Patricio ordinati et a Marcello editi, nunc commentariis aucti, 2 vol., Rome, 1750-1751.
[34] "[...] Ce n'est pas un secret qu'au conclave de 1958, la question s'étant posée d'un élu non cardinal, c'est Catalani qui fut consulté pour préparer cette hypothèse. Le vieux cérémonial, en effet, avait prévu le cas : l'élection de saint Célestin V n'était pas tombée dans l'oubli" (J. NABUCO, op. cit., p. 36*, n. 85).
[35] G. MORONI, "Le Capelle pontificie, cardinalizie e prelatizie", in Dizionario di erudizione strorico-ecclesiatica, Venise, 1841, Vol. VIII-IX. Voir aussi F. CANCELLIERI : Descrizione de' tre pontificali che si celebrano nella Basilica vaticana per le feste di Natale, Pasqua e di S. Pietro, Rome, 1788 ; Descrizione delle capelle pontificie e cardinalicie, Rome, 1790 ; Storia de solenni possessi de sommi pontifici da Leone III a Pio VII, Rome, 1802.
[36] RINALDI-BUCCI, Cærimoniale missae quae a Summo Pontifice ritu solemni celebratur, Ratisbone, 1889.
[37] G.B. MENGHINI, Le solenni Cerimonie della messa pontificale celebrata dal sommo pontifice, Rome, 1904 ; voir aussi J. BRINKTRINE, Die feierliche Papstmesse und die Zeremonien bei Selig und Heiligsprechungen, Freiburg, 1925.
[38] Nous manquerions à la justice si nous ne signalions pas ici les travaux de M.P. FABRE - L. DUCHESNE, Le "Liber censuum" de l'Eglise romaine, op. cit. Voir J. NABUCO - F. TAMBURINI, Le Cérémonial papal [...], op. cit. Voir B. SCHIMMELPFENNIG, dont "Ein bisher unbekannter Text zur Wahl, Konsekration und Krönung des Papstes im 12. Jahrundert", in Archivium historiae pontificiae, 6, 1968, pp. 43-70 ; Die Zeremonienbücher der römischen Kurie im Mittelalter, Tübingen, Bibliothek des deutschen historischen Instituts in Rom, 40, 1973 ; etc. Voir aussi S.J.P. van DIJK - J.H. WALKER, The ordinal of the papal court [...], op. cit.; etc. Cf. F. WASNER, "De consecratione, inthronisatione, coronatione summi pontificis", in Apollinaris, 8, 1935, pp. 86-125, 249-281, 428-439 ; "Texte des 15. Jdhs. zum Zeremoniell", in Traditio, XVI, 1958 ; etc.
[39] Cf. H. JEDIN, "Concilio tridentino e riforma dei libri liturgici", in Chiesa della fede, Chiesa della storia, Brescia, 1972, pp. 391-425 ; voir aussi du même auteur : Il Concilio di Trento, 1981, T. IV, Vol. II, pp. 344-347.
[40] L'Ordo missae de Jean Burckard a été publié par W. LEGG, Tracts on the Mass, H. Bradshaw Society, Londres, 1904, p. 126 et sq.; cf. aussi "Appendice" aux Ephemerides liturgicae, Rome, 1924.
[41] Paridis GRASSI, De caeremoniis cardinalium et episcoporum in eorum diocesibus - libri duo, Rome, 1564. La publication posthume - Paris de Grassi était mort en 1528 - fut l'oeuvre de Francesco Mucanzio, un des successeurs de Grassi. Sur Paris de Grassi, cf. J. NABUCO, La Liturgie papale et le cérémonial des évêques, op. cit., pp. 287-292 ; du même auteur, Le Cérémonial papal avant Innocent VIII, op. cit., pp. 33*-34* ; voir aussi L. GROMIER, Commentaire du Cærimoniale episcoporum, Paris, 1958, où l'auteur décèle à la lecture du Cærimoniale episcoporum de Clément VIII l'influence du chanoine bolonais.
[42] A propos de l'exacte influence du cérémonial de Paris de Grassi sur les rédacteurs du cérémonial de 1600, cf. M. DYKMANS, Le Pontifical romain révisé au XVe siècle, op. cit., p.122 : "Le livre de Patrizi s'ouvre maintenant à une longue liturgie qui quitte Durand et que le pontifical romain (de 1595) a eu le tort de négliger, pour la réserver au cérémonial des évêques. C'est en effet la messe pontificale la plus solennelle. [...]. Cette messe remplit 17 feuillets dont nous dirons seulement qu'ils sont à mi-chemin entre Latino Malabranca vers 1280 et le Cærimoniale episcoporum de 1600. Celui-ci est plus proche du pontifical en ses éditions des XVe et XVIe siècles que du livre de Paris de Grassi De Caeremoniis cardinalium et episcoporum in eorum diocesibus publié en 1564. C'est le texte de Patrizi qu'il y aurait lieu d'imprimer en regard de l'autre."
[43] Cf. n. 867 dans l'édition DYKMANS, op. cit., T. II, p. 302.
[44] Cf. M. DYKMANS, Le cérémonial papal, T. II, p. 342.
[45] "Parmi les cérémonies de la messe papale dont on ne connaît ni l'origine ni la raison d'être, il faut mentionner la nappe de l'Incarnatus est, appelée "strogolo". C'est une nappe de toile damassée, divisée en treize parties et garnie de dentelle d'or, de la dimension de la table d'autel, qui est mise sur celle-ci avant la messe, mais repliée vers les chandeliers. Après l'Incarnatus est , et avant de porter à l'autel la bourse avec le corporal, le cardinal-diacre, aidé par le sous-diacre de la messe, déplie cette nappe" (J. NABUCO, Le cérémonial papal [...], op. cit., p. 48*). Voir aussi L. GROMIER, Commentaire du cærimonial episcoporum, op. cit., pp. 249-250. J.A. JUNGMANN, (op. cit., T. II, p. 328), y voit un vestige de l'ancien corporal couvrant toute la largeur de l'autel.
[46] "Et in fine (incenset) episcopum non cardinalem, si serviat pape, ut vidi fieri, tam in parando altare quam in eligendo hostiam per papam consecrandam, ac ponendo vinum et aquam in calice, et probam de illis fieri faciendo", éd. DYKMANS, in Le Cérémonial papal, op. cit., T. IV, p. 155, n. 32.
[47] Cf. M. ANDRIEU, Les Ordines romani du haut Moyen Age, Louvain, éd. 1971, Vol. II, pp. 91-94.
[48] Cf. J.A. JUNGMANN, op. cit., T. II, pp. 304-311.
[49] Id., T. II, pp. 279-298.
[50] J.A. JUNGMANN, op. cit., pp. 287-291.
[51] Saint THOMAS D'AQUIN, Summa theologiae, IIa IIae, Q. 85, A. 3, ad 3um : "Sacrificia proprie dicuntur quando circa res Deo oblatas aliquid fit sicut quod animalia occidebantur, quod panis frangitur et comeditur et benedicitur. Et hoc ipsum nomen sonat: nam sacrificium dicitur ex hoc quod homo facit aliquid sacrum. Oblatio autem directe dicitur cum Deo aliquid offertur, etiam si nihil circa ipsum fiat : sicut dicuntur offerri denarii vel panes in altari, circa quos nihil fit. Unde omne sacrificium est oblatio, sed non convertitur". Voir aussi Q. 86, A. 1 : "[...] Nomen oblationis commune est ad omnes res quae in cultum Dei exhibentur. Ita quod si aliquid exhibeatur in cultum divinum quasi in aliquod sacrum quod inde fieri debeat consumendum, et oblatio est et sacrificium. [...] Si vero sic exhibeatur ut integrum maneat, divino cultui deputandum vel in usus ministrorum expendendum, erit oblatio et non sacrificium".
[52] Cf. Dom B. CAPELLE O.S.B., "Nos sacrifices et le sacrifice du Christ à la messe", in La Messe et sa catéchèse, Paris, 1947, coll. Lex orandi 7, pp. 154-179 : "A l'offertoire le fidèle accomplit mentalement le geste dont jadis l'assemblée entière s'acquittait en s'avançant vers l'autel : chacun confie son offrande au prêtre pour qu'il la consacre. Cette offrande n'est autre, comme jadis, que le pain et le vin. Par-delà le prêtre, c'est à Dieu qu'on veut les offrir. Or le fidèle sait fort bien que la gravité de cette démarche, son efficacité, son importance pour notre utilité et celle de toute l'Eglise, viennent de ce que le pain et le vin seront bientôt le corps et le sang du Christ. L'horizon de l'offertoire n'est donc pas moins vaste que celui de la messe entière ; notre participation spirituelle n'y peut avoir un idéal inférieur et plus restreint. [...]. Confier au prêtre la matière du sacrifice, avec mission d'agir ensuite pour nous auprès de Dieu, c'est s'associer d'avance, par le plus profond de soi-même, à l'offrande qui lui en sera faite quelques instants plus tard. On le voit, l'offertoire ne constitue en aucune manière une inchoation, un premier acte de l'oblation elle-même. Il est toute l'oblation, mais seulement dans sa préparation : "tuo Nomini preparatum". L'offertoire n'est donc pas un acte partiel mais qui serait absolu ; c'est au contraire un acte total mais relatif, c'est-à-dire que le chrétien y doit réaliser spirituellement, par anticipation, toute sa participation à la consécration, le regard fixé déjà sur l'oblation sacramentelle imminente, en relation essentielle avec elle. [...]. Ce que l'on y donne à Dieu, en le confiant au prêtre avec un respect infini, c'est donc le pain et le vin qui virtuellement sont déjà le corps et le sang du Christ" (pp. 171-172). Voir aussi le Débat sur l'offertoire à la suite de l'intervention de Dom CAPELLE, dont cette question de Dom L. BEAUDOIN : "La façon dont vous présentez les choses ne réduit-elle pas de façon excessive la participation des fidèles à la messe, ce qui va à l'encontre de tout notre effort liturgique ?" Nous touchons ici au noeud du problème liturgique contemporain.
[53] J.A. JUNGMANN, op. cit., T. II, p. 291.
[54] Cf. W. LEGG, Tracts on the mass, op. cit., p. 149 : "Dicto offertorio, si sint volentes offerre, celebrans accedit ad cornu epistolae, ubi stans detecto capite, latere suo sinistro altari verso, deponit manipulum de brachio sinistro, et accipiens illud in manum dextram porrigit summitatem ejus singulis offerentibus osculandum dicens singulis : "Acceptabile sit sacrificium tuum omnipotenti Deo", vel : "Centuplum accipias et vitam aeternam possideas"". (Cité par J.A. JUNGMANN, op. cit., T. II, p. 289, n. 89).
[55] Sur les catégories de sous-diacres et leurs diverses fonctions dans la liturgie papale au cours de l'histoire, voir A. CUVA, "Pagine di storia del ministero suddiaconale alla messa papale", in Fons vivus - Miscellanea Vismara, Rome, 1971, pp. 287-314. Après avoir relevé la fonction des sous-diacres dans le cérémonial de Patrizi, l'auteur conclut : "Comme on a pu le constater, même dans le cérémonial de Patrizi, le service sous-diaconal à la messe papale est varié et assigné à plusieurs sous-diacres. On peut retenir que de vrais sous-diacres constituent encore le collège des sous-diacres apostoliques. On doit cependant admettre que les charges confiées aux sous-diacres apostoliques dans la messe papale de Patrizi sont notablement réduites, si nous les comparons à celles prévues dans l'Ordo romanus I et dans l'ordo du chanoine Benoît. Ceci nous indique que même dans les temps qui succédèrent à l'ordo de Benoît se poursuivit cet inexorable processus, déjà rencontré aux Xe et XIe siècles, de simplification des fonctions papales" (p. 308 - c'est nous qui traduisons).
[56] "Nam quod intermisimus de patena, quando inchoat canonem (lire ici la préface qui, pour le rédacteur de l'ordo commence le canon), venit acolytus sub humero habens sindonem in collo ligatam, tenens patenam ante pectus suum in parte dextera usque medium canonem (lire ici le Te igitur). Tunc subdiaconus sequens suscipit eam super planetam et venit ante altare, expectans quando eam suscipiat subdiaconus regionarius. Finito vero canone, subdiaconus regionarius stat cum patena post archidiaconem". Cf. OR I, éd. M. ANDRIEU, op. cit., Vol. II, pp. 96-97.
[57] Sur l'origine et l'usage du calamus, outre J.A. JUNGMANN (op. cit., T. III, pp. 316-318) cf. J. BRAUN, Das christliche Altargerät in seinem Sein und seiner Entwicklung, München, 1932, (Georg, Hildesheim - New York, 1973), pp. 248-265, avec une figurine de la fistula papale (p. 264).
[58] Sur les privilèges liturgiques du patriarche de Lisbonne que lui concédèrent Clément XI (1716), Benoît XIII (1724), Clément XII (1737), confirmés par Pie VI (1778), la messe qu'il célèbre more papali, etc., cf. l'oeuvre fondamentale de Mgr J. NABUCO, Jus pontificalium - Introductio in cærimoniale episcoporum, Paris, 1956, pp. 51-57 et p. 361 (bibliographie).
[59] Sur la communion du pape au trône, cf. : A. ROCCA, De sacra summi Pontificis communione, Rome, 1610 ; G. CATALINI, Sacrarum Caerimoniarum sive rituum ecclesiasticarum, op. cit., T.II, pp. 78-86 (c'est Catalani que nous avons surtout consulté).
[60] Sur l'usage de mêler le Précieux Sang à du vin non consacré, voir M. ANDRIEU, Immixtio et consecratio, Paris, 1924.
[61] L. FISCHER, Ordo officiorum Ecclesiae Lateranensis, Munich, 1916. Pour la comparaison de l'Ordo romanus I avec l'Ordo Lateranensis, cf. Dom B. CAPELLE, "Fraction et commixtion", in Travaux liturgiques, Louvain, 1962, T. II, p. 319 et sq.
[62] Sur le sacramentaire grégorien Hadrianum (du nom du pape Hadrien qui l'envoya à la cour d'Aix-la-Chapelle vers 785) et sur l'Hadrianum supplémenté par Alcuin, cf. C. VOGEL, op. cit., pp. 72-82, avec la bibliographie.
[63] Sur le pontifical romano-germanique, cf. : M. ANDRIEU, Les Ordines romani, op. cit., Vol. I, pp. 494-548 ; C. VOGEL - R. ELZE, Le Pontifical romano-germanique du Xe siècle, Città del Vaticano, 1963, coll. Studi e Testi 226-227 ; voir aussi C. VOGEL, Introduction aux sources, op. cit., pp. 187-203, avec la bibliographie.
[64] Cette oeuvre du pape Innocent III (1198-1203), antérieure à son élévation au pontificat, est plus connue sous le titre retenu par Migne De sacro Altaris mysterio, PL 217, 763-916. Le passage auquel nous nous référons se trouve L. VI,9.
[65] Guillaume DURAND, Rational ou Manuel des divins Offices, trad. franç., Paris, 1854, T. II, pp. 394-398. Sur l'oeuvre de Guillaume Durand, évêque de Mende, cf. M. ANDRIEU, Le Pontifical romain au Moyen Age, op. cit., T. III, "Le Pontifical de Durand de Mende", pp. 3-22 ; voir aussi P.M. GY O.P., Guillaume Durand. évêque de Mende (vers 1230-1296), canoniste, liturgiste et homme politique, Actes de la table ronde du CNRS, Paris, 1992.
[66] P.M. GY O.P., "Interactions entre liturgies. Influence des chanoines de Lucques sur la liturgie du Latran", in Revue des sciences religieuses, 58, 1984, pp. 537-552 ; du même auteur, "L'unification liturgique de l'Occident et la liturgie de la curie romaine", in Revue des sciences théologiques et philosophiques, 59, 1975, pp. 601-612. Voir aussi M. MARCHETTI, Liturgia e storia della Chiesa di Siena nel XII secolo, Siena, 1991, pp. 45-48.
[67] De Missarum mysteriis (De sacro altaris mysterio), op. cit., L. VI, 9 : "Summus pontifex non statim particulam hostiae dimittit in calicem, sed eam, post trinum crucis signaculum, in patenam reponit, et post osculum pacis ad sedem adscendens, ibi consistens, universis cernentibus, partem majorem suscipit oblatae de patena quam ei diaconus repraesentat, ipsamque videntibus dividens, unamque particulam sumens, aliam mittit in calicem quem tenet coram ipso subdiaconus, de quo sanguinem hautit cum calamo. Deinde particulam unam tradit cum osculo diacono, aliamque subdiacono sine osculo, quem ad altare ministrantem ei calicem diaconus osculatur. Et tunc subdiaconus particulam dimissam in calice sumit cum sanguine."
[68] Ordo romanus I, éd. ANDRIEU, op. cit., T. II, p. 101.
[69] J. CATALANI, Op. cit., T. II, L. II, Tit. I, C. XIV, § XIII, XI.
[70] Cf. J.A. JUNGMANN, op. cit., T. III, p. 249 et sq. ; voir aussi Mgr M. RIGHETTI, Manuale di storia liturgica, Milan, 1966, Vol. III, pp. 486-489.
[71] St. THOMAS D'AQUIN, Summa theologiae, Q. LXXIII, A. 3, : "Res sacramenti est unitas Corporis mystici, sine qua non potest esse salus" ; voir aussi l'ad 1um du même article ; Q. LXXIX, A. 1. Théodore de MOPSUESTE (cité par J. DANIELOU, Bible et liturgie, Paris, 1951, p. 182) : "Tous se donnent la paix l'un à l'autre, et par ce baiser ils émettent une sorte de profession de l'unité et de la charité qu'ils ont entre eux. Par le baptême en effet nous avons reçu une naissance nouvelle, par laquelle nous sommes réunis dans une union de nature ; et c'est la même nourriture que nous prenons tous, où nous prenons le même corps et le même sang : nous tous, bien que nombreux, nous formons un seul corps parce que nous participons à un même pain. Il faut donc, avant de nous approcher des mystères, accomplir la règle de donner la paix par quoi nous signifions notre union et notre charité les uns envers les autres. Il ne conviendrait pas à ceux qui forment un seul corps ecclésial d'avoir en haine quelque frère dans la foi" (XV, 40).
[72] Cf. J.A. JUNGMANN, op. cit., T. III : "[...] Nous ne pouvons aujourd'hui nous empêcher de trouver audacieux, risqué, un tel emploi du signe de la plus intime familiarité, et cela, non plus dans le cercle privé d'une communauté jeune, soutenue par un haut idéalisme, mais comme une institution permanente dans des réunions devenues publiques. Il y a sans doute à tenir compte de certains facteurs dus à la civilisation antique. Quoi qu'il en soit, au cours des temps a prévalu dans toutes les liturgies chrétiennes une stylisation du rite du baiser ; celui-ci n'est plus que discrètement esquissé" (pp. 255-256).
[73] Cærimoniale episcoporum, L. II, C. XXIX. Cf. Mgr P. MARTINUCCI, Manuale sacrarum caerimoniarum, Rome, 1870-1873, L. V, T. III, pp. 118-124 ; L. STERCKY C.S.Sp., Les Fonctions pontificales selon le rite romain, Paris, 1932, pp. 128-131 ; Mgr L. GROMIER, Commentaire du cærimoniale episcoporum, op. cit., pp. 439-442.
[74] On rencontre, dans le cérémonial de Patrizi, deux hosties sur une patène portée par le sous-diacre au trône du pape après la communion de ce dernier, pour la communion de l'empereur et de l'impératrice (cf., M. DYKMANS, L'oeuvre de Patrizi Piccolomini, op. cit., T. I, pp. 104).
[75] "Cette manière de donner la communion, précise Mgr GROMIER (op. cit., p. 440), qui dérive de la messe papale, est spéciale à l'évêque (ordinaire du lieu) chantant la messe au trône".
[76] Si l'évêque qui ordonne n'est pas l'ordinaire du lieu, il tiendra lui-même le ciboire ; cependant les nouveaux ordonnés lui baiseront la main lors de la communion (cf. Mgr J. NABUCO, Pontificalis romani - Expositio juridico-practica, Paris, 1962, p. 135). Dans le cas des saintes ordinations et autres fonctions pontificales extraordinaires, l'évêque non ordinaire supplée d'une certaine manière l'évêque du lieu ; il reçoit l'offrande, fait usage de la crosse, etc., cependant avec les limitations dues (messe au faldistoire).
[77] Cf. Ritus servandus in celebratione missae, X, 3 : "manibus junctis super altare positis, oculisque ad sacramentum intentis, inclinatus dicit secreto : "Domine Jesu Christe", etc. Qua Oratione finita, si est daturus pacem, osculatur altare in medio et instrumentum pacis ei porrectum a ministro juxta ipsum ad dexteram, hoc est, in cornu Epistolae, genuflexo, et dicit : "Pax tecum". Minister respondet : "Et cum spiritu tuo"."
[78] Cærimoniale episcoporum, L. I, C. XXIV, nn. 6-7.
[79] Cf. H. JEDIN, Il Concilio di Trento, op. cit., T. III, p. 277 et sq.
[80] Cf. M. DYKMANS, L'OEuvre de Patrizi Piccolomini, op. cit., T. I, pp. 190-195.
[81] La Descriptio adventus Frederici III imperatoris ad Paulum papam II a été publiée par MABILLON, Museum Italicum, op. cit.,T. I, pp. 256-272.
[82] Cf. la Descriptio adventus Frederici III : "Communicavit summus pontifex altaris sacramentum cum Imperatore, diacono, et subdiacono de pane tantum ; de calice autem, etsi consuetudo sit, communicantes cum pontifice participare ; propter insurgentem tamen Hussitarum, ac Bohemorum damnatum haeresim, quae calicis potationem ad salutem necessariam putat, praeter pontificem, nemo bibit" (cité par CATALANI). D'abord refusée par le concile de Constance, la communion au calice avait ensuite été concédée en Bohême dès 1433.
[83] Cf. J.A. JUNGMANN, op. cit., T. III, p. 319.
[84] Dom E. MARTENE, De antiquis Ecclesiae ritibus, op. cit., I, pp. 438-439.
[85] Sur les diverses appellations et l'usage du calamus, voir J. BRAUN, Das christliche Altargerät, op. cit., p. 249 et sq.
[86] Ordo romanus I, éd. ANDRIEU, II, nn. 108, 111, 115.
[87] Cf. J.A. JUGMANN, op. cit., T. III, pp. 347-356.
[88] Corp. Jur. Can., Decretales Greg., L. III, 41, 5.
[89] P. LEBRUN, Explication, op. cit., pp. 506-508.
[90] Ritus servandus, X, 6 : "Minister autem dextera manu tenens vas cum vino et aqua, sinistra vero mappulam, aliquanto post sacerdotem eis porrigit purificationem, et mappulam ad os abstergendum."
[91] "Unus ministrorum pontificis stat juxta cornu Epistolae altaris calicem habens, non illum cum quo pontifex celebravit, sed alium cum vino, et mappulam mundam in manibus, ad quem singuli communicati accedunt, et se purificant, os extergunt, et ad partem se locant."
[92] Cærimoniale episcoporum, L. II, C. XXIX, nn. 3-4.
[93] Cf. Mgr L. GROMIER, op. cit. : "Anciennement, après la communion sous les deux espèces, le célébrant ne buvait que la purification de vin pur, puis se lavait les mains avec de l'eau qu'on jetait dans la piscine. Plus tard, il se rinça les doigts avec le vin, avant de boire la purification et de se laver les mains. L'ablution des doigts et de la bouche avec du vin et de l'eau, qui vint ensuite, et qui élimina le lavement des mains, sauf pour l'évêque, a rencontré plus d'opposition qu'on ne croirait. A la messe papale d'à présent, le pape ne boit pas l'ablution des doigts" (p. 311).
[94] Il convient de signaler qu'à une époque antérieure au cérémonial de Patrizi, lorsque le pape célébrait plus souvent la messe pontificale, la communion ad sedem n'était pratiquée qu'aux solennités, jamais aux offices pénitentiels ni funèbres.
[95] Cf. J. CATALANI, op. cit., T. II, L. II, Tit. I, C. XIV, § XIII, XVII-XXII.
[96] Cité par CATALANI, loc. cit.
[97] Cf. Saint THOMAS D'AQUIN, Somme de théologie, IIIa, q. 73 : aa. 1, 2, 3, 4, etc.
[98] Saint THOMAS D'AQUIN, Somme de théologie, IIIa, q. 83, a. 5 : "In celebratione hujus mysterii quaedam aguntur ad repraesentandum passionem Christi ; vel etiam dispositionem corporis mystici ; et quaedam aguntur pertinentia ad devotionem et reverentiam usus hujus sacramenti."