Ce livre contient
davantage que ce que son titre annonce. L’auteur décrit, certes, avec le talent
qu’on lui connaît, la vie quotidienne au Vatican sous Jean-Paul II. Mais pour
mieux la situer, il commence par raconter en détail les deux conclaves de 1978,
puis, en raccourci, la vie de Karol Wojtyla, et enfin, dans une vaste fresque,
l’histoire du Vatican, où l’on voit défiler, à côté des papes, Pépin le Bref et
Charlemagne, Arnaud de Brescia et Cola di Rienzo, pour arriver, à travers
l’époque napoléonienne, jusqu’aux événements de 1870, à la « question
romaine » et à sa solution par les Accords du Latran de 1929.
Tel ou tel
lecteur pourra trouver que l’auteur tarde un peu à entrer dans son sujet. Mais
il lui en sera finalement reconnaissant. Car en même temps que Jean Chélini
nous fait bénéficier de sa connaissance des personnes et des lieux, son
érudition d’historien lui permet de situer dans son cadre historique ce qui va
être le principal sujet de son livre. Et cela est particulièrement appréciable
en ce qui concerne les événements récents qu’ont été les deux derniers
conclaves et surtout la mort de Jean-Paul Ier.
Bien des
sottises, comme tout le monde le sait, ont été dites et écrites sur ces récents
épisodes qui ont eu le Vatican pour théâtre. Il était bon qu’un historien
sérieux et spécialise depuis plusiers années dans l’histoire des papes
redimensionnât ces récits fantaisistes et nous donnât un exposé objectif de ce
que ses sources lui permettaient d’attester.
Quant à la vie
quotidienne, l’auteur l’a observée de très près et a saisi sur le vif plus d’un
détail inconu du grand public. On le lira donc avec un intérêt mêlé de
curiosité.
Il nous emmène
d’abord, à travers la Porte sainte, dans la zone des fouilles et à la tombe de
saint Pierre. Il évoque ensuite les « fastes d’antan » (la garde
noble !) et décrit le Vatican d’aujourd’hui avec ses « agents de
vigilance » (l’ancienne gendarmerie), sa garde suisse, ses tribunaux, ses
Sanpietrini, sa salle de presse, ses musées... Il mentionne, avec une complaisance
qu’on jugera peut-être excessive, l’envahissement de ces derniers par des
échantillons d’art moderne qu’on eût peut-être aimé voir figurer ailleurs qu’à
côté du Pinturicchio dans les appartements Borgia...
Puis il nous
promène dans le « petit monde » du Vatican, celui des fonctionnaires
se rendant à leur travail ou allant faire leurs emplettes à
l’« annona »,, celui de l’Osservatore
Romano ou des « Communications sociales », celui de la Cité
Léonine, du Borgo Pio, de l’angelus du pape, qui attire à midi chaque dimanche
place Saint-Pierre une foule de Romains, de touristes et de pèlerins.
Les appartements
du pape nous sont décrits. On nous montre comment Jean-Paul II vit et
travaille. L’auteur, qui a analusé dans un autre livre, Les nouveaux papes, de Jean XXIII à Jean-Paul II (1979), ce qu’il
considère comme une nouvelle manière d’exercer la fonction pontificale, n’a pas
de peine à mettre en relief l’effective nouveauté du style de vie du dernier
d’entre eux, le « pape voyageur », qui semble avoir pris à la lettre,
comme lui étant personnellement adressée, la consigne laissée par le Christ à
ses apôtres avant de les quitter : « Allez, enseignez toutes les
nations »... C’est ce que l’auteur appelle, en une heureuse formule,
« faire le pape autrement ».
De précieuses
annexes complètent ce volume et nous renseignent sur la présence française dans
la Rome des papes, le patriciat et la noblesse romaine, ls monnaies et
médailles du Vatican, les timbres du Vatican... Ajoutons que, par une
judicieuse initiative, cette « Vie quotidienne », à la différence de
celles qui l’ont précédée, paraît agrémentée de photographies. Cette nouveauté
sera, sans nul doute, appréciée par ses lecteurs, dont le grand nombre – comme
nous le souhaitons – constituera la meilleure récompense de l’auteur pour les
fatigues de ses laborieuses recherches.
Jacques Martin
Préfet de la
Maison pontificale
Cité du Vatican,
Le 23 février
1985
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Jean
Chélini, La vie quotidienne au Vatican
sous Jean-Paul II, Hachette 1985