La place Saint-Pierre dont les bras
immenses, selon les propres paroles du Bernin, devaient s’ouvrir au monde
entier, cette place ne contient plus la foule du peuple.
Quel spectacle que cette
assemblée de trois cent mille hommes !
Une véritable mer de têtes jusqu’au delà de la place, du
côté de la via della Conciliazione, tandis que les colonnades, les loges des
palais du Vatican, les fenêtres des maisons d’alentour, les proches collines et
les terrasses du collège éthiopien regorgent de spectateurs et que d’autres
forment des grappes autour des piliers, des fontaines et des grilles.
* * *
Là-haut, su la loge décorée, un trône semble attendre.
Le marquis Patrizi, porte-étendard de la Sainte Eglise
Romaine dresse, à côté de ce trône, le drapeau pourpre.
A l’apparition de la bannière de l’Eglise sur ce balcon,
une musique militaire italienne entonne l’hymne pontifical. La garde palatine
du pape y répond en exécutant la marche royale italienne.
Les régiments de l’armée italienne, Bersaglieri, Alpini,
grenadiers et dragons, les formations de la milice fasciste, dans un bruit de
métal, présentent les armes.
* * *
Des prélats, vêtus de blanc, s’avancent dans la loge.
On écarte l’immense draperie pourpre et, derrière les
maîtres de cérémonies et les cardinaux assistants, apparaît la haute silhouette
du pape.
Trois cent mille bras s’agitent. Loin, très loin, jusque
sur les rives du Tibre, cet océan humain est gagné par le mouvement.
L’écho de l’hymne « Coronam auream super caput eius » est
couvert par les cris d’enthousiasme qui emplissent littéralement l’air.
Le pape s’est assis sur le trône pourpre.
Le cardinal Canali s’est approché du pape et lui a ôte la
mitre.
Un nombre incalculable de haut-parleurs diffuse la voix
de Son Excellence Caccia-Dominioni :
« Reçois la tiare ornée de trois couronnes et sache que
tu es le père des princes et des rois, le guide de la terre, le représentant de
notre Sauveur à qui sont l’honneur et la gloire pour toute éternité. »
Une nouvelle vague de jubilation s’élance vers le pape
couronné et ne reflue que lorsque Pie XII élève la voix pour prononcer la
grande bénédiction pontificale urbi et orbi.
Sur les ailes du vent, la bénédiction du chef trois fois
couronné parcourt le monde qui est désormais confié à la garde de Pie XII.
La pape se tient à présent tout contre la balustrade de
la loge, il étend largement les bras pour saluer, à ses pieds, ce peuple qui ne
cesse de l’acclamer dans la joie...
Tandis que l’hymne pontifical retentit de nouveau, Pie XII
quitte la loge extérieure de Saint-Pierre.
* * *
Alors, c’est voix d’airain du gros bourdon de
Saint-Pierre qui annonce à la ville et à la Campagna :
« Vivo, o Pio
!... vivo, o Pio ! »
Le soir de cette journée
glorieuse, la façade de la basilique de Saint-Pierre s’illumine de myriades de
veilleuses.
Au-dessus des toits du Vatican, claquant dans la brise
nocturne, le drapeau pontifical flotte, auguste et puissant.
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